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(En Français) Recherche scientifique et méritocratie au Maroc

La méritocratie comme moteur du progrès.

Qu’en est-il au Maroc dans le secteur de la recherche?

 

 

Morale générale du texte

La reconnaissance sociale du mérite ou ce que l’on appelle méritocratie, est le moteur du progrès dans une société. Là où il n’y en a pas en tant que valeur, la question ne se pose pas. Là où il y en a, son esprit ne suffit pas, encore faut-il un savoir et une intelligence qui soient à jour de ce qui se passe. Le présent texte examine l’état de la méritocratie au Maroc dans le domaine académique et de recherche scientifique.

 

Une anecdote éloquente et pertinente de l’actualité

Le lundi 14 septembre courant; c'est-à-dire dans l’atmosphère du 14e anniversaire de l’attentat terroriste du 11 Septembre 2001, un professeur américain, effarouché par un petit dispositif suspect à ses yeux (une sorte d’horloge insolite) qu’a présenta en classe un l’élève Ahmed Mohamed comme invention-projet scientifique qu’il avait mis au point, alerta immédiatement la police, et le petit ado de 14 ans fut arrêté pour soupçon d’intention terroriste !

Deux jours plus tard, lorsque la nature purement psychotique de la réaction du pauvre professeur s’est avérée, c’est le président Barak Obama en personne qui invita l’adolescent à exposer son invention à la Maison Blanche (v. Ici et Ici). Le président tweet sur son compte:

Cool clock, Ahmed. Want to bring it to the White House? We should inspire more kids like you to like science. It's what makes America great” (“C’est cool comme montre, Ahmed. Veux-tu l’apporter à la Maison Blanche? Nous devons inspirer davantage d’enfant comme toi pour aimer la science. Car c’est ce qui fait la grandeur de l’Amérique”).

 

On appelle ça le sens global d’une société moderne à repérer le mérite et à en témoigner reconnaissance: là où il arrive que l’une de ses composantes et instances fausse les données ou se trompe d’optique à un certain niveau, il y a toujours d’autres niveaux qui corrigent l’optique globale de la société. Si à l’échelle d’un chaînon de la société, on fait une entorse à la méritocratie intellectuelle et/ou professionnelle, des instances de l’Etat y remédient. Et si l’Etat manque à ce principe dans un secteur, d’autres institutions de compensation existent: le mécénat et la philanthropie, comme en témoigne cette autre histoire américaine récente de ce milliardaire américain, Jim Simons, avec les instituteurs de New York qu’il juge sous payés par l’Eta et que sa fondation "Math for America" décide de prendre en charge. Jim Simons «souhaiterait monter un dispositif pour que tous les enseignants de matières scientifiques de New York puissent toucher cette prime, soit 10.000 individus» (v. Ici).

 

De l’éducation et de la recherche scientifique

L’activité scientifique est l’activité sociale qui apporte la plus-value globale première qui en détermine toutes les autres dans les différents secteurs d’une société à long terme. Ce sont donc les écoles, les labos et départements d’universités et les centres de recherche, qui constituent le system nerveux de toute société de savoir et/ou de toute société qui aspire à le devenir en tant que pays qui émerge sur des base solides qui résistent aux conjoncturel et au contingent saisonniers. C’est de là que la stratégie, la politique, la planification, la gestion et l’immunisation de la recherche scientifique et de ses bases éducationnelles tirent aujourd’hui leur importance capitale décisive qui devient une importance d’ordre stratégique de haut niveau (v. Ici en fr. et Ici; en ar.).

 

La culture de reconnaissance au Maroc

En matière de reconnaissance morale, ce qui n’est pas mince comme valeur, du type que symbolise la récente petite histoire symbolique représentative du président des US avec le petit adolescent Ahmed Mohamed dans la société américaine, il faut admettre que les choses ne sont pas faciles dans un autre pays comme le Maroc. Dans ce pays, les institutions d’évaluation de mérite dans le domaine de la science ne fonctionnent pas, car tout simplement, et en grande partie, les méthodes modernes d’évaluation scientifique selon les standards internationaux ne sont pas encore suffisamment ancrées dans les esprits en tant que savoir, et encore moins sur le terrain de la gestion comme critères de gestion de la politique éducationnelle, de formation et de recherche scientifique (v. Ici). Ceci, alors que, par contre, une culture de charlatanisme académique fait de plus en plus ravage dans les milieux éducationnels, académiques et de ‘recherche scientifique’ dans ce pays. Ce charlatanisme ‘académique’ et ‘scientifique’ où c’est l’évènementiel, relayé par les média, qui s’érige en institution d‘évaluation scientifique’, est un charlatanisme qui se manifeste sous deux aspects et sur deux niveaux qui se complémentent le plus souvent:

 

(i) un aspect privé et individuel d’(auto)création de vedettariat scientifique et/ou professionnel (Hommage à X ici et là; Meilleur Y de l’Année, etc.) auprès d’agences spécialisées dans cette industrie dans le pays e/ou outremer (v. Ici). Il y a aussi dans ce sens, non plus le petit vice classique de plagiat, mais tout une gigantesque industrie frauduleuse de ‘publication scientifique’ électronique qui donne lieu à une nouvelle discipline: l’Intelligence Académique (v. Ici), à laquelle les Marocains semblent jusqu’ici insensibles contrairement aux Jordaniens et aux Egyptiens (v. Ici en ar.);

(ii) un aspect organisationnel qui transcende les petits intérêts d’individus mégalomanes mais peu doués, en les instrumentalisant notamment, et qui est en lui-même d’une portée idéologique planétaire (v. Ici).

 

Cette nouvelle méthode/institution d’évaluation semble payante pour les parties et mouvances qui l’adoptent. N’a-t-on pas, en fin de compte et à titre d’exemple, réussi tout récemment, et à suite d’une série d’évènementiels carnavalesques orchestrées et médiatisés autour d’une personne, à glisser le dossier de ce chercheur prédicateur vedette, adepte de la fameuse "théorie des miracles scientifiques du Coran, dans la foulée des nominations pour les plus hautes distinctions de l’Etat?

Ce ne sont pas les références internationalement accrédités d’évaluation, qui comptabilisent les Citations Scientifiques et en mesure l’Indice d’Impact (Journal Citations Reports, Scopus, PubMed, Science Direct, Google Scholar, etc.) qui auraient qualifié cette personne, qui n’est qu’un prototype, pour une telle nomination dans la foulée. Se sont les média nationaux, relayant les évènementiels d’hommages de tous les formats, qui ont attesté, en se citant les uns les autres, que cet académicien chercheur et prédicateur a en fait publié "plus de 200 articles scientifiques et 8 brevets" en l’espace de 10 ans; c’est à dire à raison d’un article scientifiques toutes les deux semaines et demi et un brevet tous les 15 mois (!!!) et ce dans le domaine de la chimie de corrosion des matériaux.

 

En fait, il s’agit, dans ce cas particulier qui n’a été choisi que comme exemple, de quelqu’un de bien branché à la cyber-publication (Electronic Publishing), ce nouveau marché noir du trafic de contrefaçon en matière de publication scientifique. Après avoir profusément publié dans les coins virtuels de tout acabit de ce que l’on appel ‘Electronic Publishing’ de type ‘Open Access’ qui foisonnent de ‘Fake Scientific Journals’ ("Fausse revues scientifiques"; v. une liste non exhaustive Ici), cet académicien a finit par fonder sa propre "revue de publication scientifique électronique" de type ‘Open Access Journal’, où il approuve à coup de clic tout ce qu’y balancent les aspirants en quête de quoi mettre dans leurs dossiers de promotion professionnelle dans les pays où il n’y a pas de véritable système d’évaluation. Il ne se prive pas, bien sûr, d’y balancer à coup de clic également tout ce que ses étudiants et/ou ses collègues dans le département qu’il dirige auraient rédigé pour les même raisons en tant ce que les Américain appelle "working papers" ("rapports sur des travaux en cours"), et ce en affichant toujours son noms comme premier coauteur. Quand au label de la maison d’édition Elsivier dont il prétend avoir obtenu ce grand tableau-attestation du "plus grand chercheur en termes de publication" autour duquel il a organisé il y a quelques années un grand show évènementiel, il faut juste signaler que ce label de cette maison d’édition a fait l’objet depuis 2004 de pas moins d’une demi douzaine de titres de revues scientifiques de contrefaçon (Fake Scientific Journals) comme en témoigne ces deux articles (v. Iciet Ici).

 

Et enfin, à propos de ladite ‘théorie’ des ‘miracles scientifique du Coran’ que prêche cet académicien autour de lui en y orientant ses étudiants, ainsi que pour ce qui est de l’ancrage de cette ‘théorie’ au Maroc, il suffit de voir Ici. Cette ‘théorie’, qu’un réseau associatif bien appuyé d’ailleurs œuvre depuis des années au Maroc à faire aimer non pas seulement à certains adultes de faible esprit mais également et surtout aux petits enfants comme Ahmed Mohamed, le petit soudanais d’origine, devenu Américain et invité récemment par le président des US à une distinction de reconnaissance à la Maison Blache; promet-elle donc de faire du Maroc un grand pays grâce à sa maîtrise du savoir?

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Mohamed Elmedlaoui

https://orbinah.blog4ever.com/m-elmedlaoui-publications-academiques



18/09/2015
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