(EN FRANCAIS) Exégèse des "miraccles coranique", une question éducative ou sécuritaire?
De "l’Intelligence Economique"
A "l’Intelligence Educationnelle"
Question:
Quel type de rapport pourrait-on imaginer entre une méthode intellectuelle d’exégèse coranique et un mouvement idéologique, politiquement, voir militairement activiste?
En guise d’introduction
En médecin-patient, et en répondant à une question qu’il s’est posé lui-même "Pourquoi j’ai mal à notre école?", Abdeljalil Lahjomri a bien pris soin dans l’une de ses chronique (Voir Ici), de mettre le doigt, tour à tour sur tous les points du corps du système de l’éducation nationale qui font mal, tout en dressant le diagnostic pour chaque point.
Dans l’une de mes chronique sur le sujet publiée dans le même lieu (Voir Ici), le focus avait été mis sur les effets du fait de laisser ce corps moral pour compte, à la merci des calculs partisans et idéologiques de tout acabit, en fonction des aléas des différentes versions conjoncturelles ou institutionnelles de ce qu’on appelle ‘alternance’ dans le jargon politique marocain de ces dernières années.
Dans les deux chroniques, l’accent a été mis, de manière explicite ou implicite, sur l’enjeu du degré d’appropriation du système éducatif marocain, à travers son évolution, à l’intégration socio-économique du citoyen. Or, il n’y a pas que cette dimension et ce critère. En plus des différents degrés de compétences de base à faire acquérir à l’apprenant (lire, écrire, compter, acquérir une certaine intelligence pratique et communiquer de façon conséquente), un système éducatif d’une société moderne est également responsable d’assurer l’acquisition de deux autres compétences, à des degrés différents selon le parcours:
(i) la compétence d’esprit citoyen à base éthique universelle, et
(ii) la compétence d’esprit critique rationnel, analytique et synthétique, qui rend l’élite constructive et non pas uniquement protestataire, voir contestataire sur fond de charges émotionnelles.
Juste, à titre d’exemple flagrant plus récent, en ce qui concerne les tares actuelles de la première de ces deux dernières compétences, ces deux questions d’une épreuve d’anglais l’été dernier dans une faculté marocaine (Voir Ici), les suivantes :
1 «How does the history of Jews prove their hatred towards other people?»
2 «How would you justify the fact that immorality and misconduct in Judaism are basically due to spiritual gap? Use historical facts to highlight your answer?».
Ces deux questions, qui se complètent l’une l’autre et qui sont sensées sanctionner une année universitaire de formation pour maîtriser une langue étrangère dans l’esprit de la Charte Nationale de l’Education et de Formation (voir Ici), nous donne une idée représentative de la nature de l’objet de ‘travail et d’étude’ dans un cours d’anglais le long de l’année, hors de la portée du contrôle d’aucune instance de bonne gouvernance, nationale ou régionale, qui veille à la conformité des contenus et méthodes de l’enseignement à l’esprit de la Charte Nationale.
Un système éducatif au point de mire depuis longtemps
Depuis déjà des décennies, le système éducatif marocain a fait l’objet d’attaques de perversion au niveau de ces deux dernières compétences, à cause notamment de sa perméabilité aux différents enjeux politiciens et idéologiques internes et externes.
La dernière entreprise dans ce sens est d’envergure internationale. Elle a cette fois-ci la particularité de devenir explicite et systématique et d’être explicitement déclinée sous forme d’une feuille de route rendue publique, avec un plan d’action multidimensionnel et de long terme (bourses d’études, orientation de thèses, colloques de sensibilisation, salons de livres, interventions auprès de décideurs, création d’associations-antennes et de commissions nationales, etc.). Elle se cache sous le noble manteau de "Miracles Scientifiques du Coran et de la Sounna" et vise plus particulièrement les curricula de l’enseignement des matières scientifiques à tous les niveaux de l’enseignement, mais au supérieur particulièrement. La nouvelle méthode "scientifique" consiste à fasciner les jeunes ou les faibles esprits par une nouvelle exégèse coranique qui récupère des versions populaires de l’ancienne tradition kabbalistique juive à base de prestidigitation arithmétique alphanumérique (hisaabu ljummal) pour montrer que des vérités scientifiques relativement établies (le poids atomique du fer, par exemple) ou simplement prétendues (les allégations selon lesquelles la Mecque est l’épicentre de la terre, ou que la direction ‘naturelle’ des aiguilles d’une montre est de tourner de droite à gauche) sont des ‘vérités’ encodées depuis l’éternité dans le Coran ou même dans la sounna.
L’intérêt de ce courant de formatage intellectuel pour le Maroc précisément, dans le cadre de sa nouvelle structuration systématique et de long terme à l’échelle mondiale, a commencé sérieusement au début des années 2000, en réaction notamment, pourrait-on déduire, à la promulgation dans ce pays de sa Charte National de l’Education et de Formation en l’an 2000.
Pour un spécimen significatif de la politique de cette entreprise pour infiltrer le système éducatif marocain en particulier, il suffit de lire les propos que M. Abdallah Al-Qarni, membre de l’instance international de cette organisation, a livrés en 2004 à un quotidien marocain (Voir Ici). Pour certains détails des méthodes "scientifiques" prônées par cette organisation, ainsi que son plan d’action et sa politique d’intervention dans les différents systèmes d’éducation nationales, voir deux textes sur OrBinah, qui remontent à quelques années: voir Ici (en fr.) ou Ici (en ar.).
Bref, il s’agit enfin de compte d’un véritable volet de sécurité nationale, au sens moderne large du terme. En fait, tout comme l’intelligence économique vient d’émerger comme nouvelle discipline en matière de sécurité (Voir Ici), l’intelligence éducationnelle, socle de toute les sécurité, est de plus en plus urgente comme tâche publique pour des sociétés émergentes comme la société marocaine, où l’Etat a encore un grand rôle à jouer dans la régulation du système de l’éducation et de formation.
Les origines de la méthode : entre méthode et activisme
Selon un rapport publiée en 2002 par le Wall Street Journal (v. Ici), l’origine de la méthode exégétique des Miracles Scientifique du Coran, remonte aux écrits de celui qu’on surnomme le père du Concordisme Musulman, le médecin et penseur spéculatif Français, Maurice Bucaille dans les années 70s du 20e siècle (notamment son livre, La Bible, le Coran et la science). Ceci concorde avec ce que dit l’encyclopédie grand-public de Maurice Bucaille (v. Ici).
Et si c’est Zaghloul Ennajjar qui porte aujourd’hui le flambeau activiste de cette méthode exégétique devenue mouvement para-politique globaliste, ce prédicateur scientiste avait un autre éminent disciple missionnaire, le yéménite Abdelmajid El-Zindani (v. Ici). Ledit rapport du Wall Street Journal affirme d’autre part qu’El-Zindani était l’un des proches conseillers de cheikh Ousama Ben Laden, qui était à son tour un enthousiaste de cette méthode d’exégèse. Par la suite, El-Zindani démissionne du poste de SG de la Commission des Miracles Scientifique du Coran en 1995 pour devenir une grande figure dans un mouvement d’opposition au Yémen devenu Ikhwan al-Yaman, qui prône l’établissement de l’Etat islamique et dont il est devenu leader spirituel ‘murshid’ (gravement blessé dernièrement, fin sept. 2014 dans le combat qui oppose son mouvement aux tribus Houti du Nord Yémen).
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