(Français) L'amazighe (berbère), une langue en passe d'être asphyxiée par les siens
Une langue vivante, l’Amazighe, étouffée à l'asphyxie par les siens.
Après tant d'approches de lexicologie d’aménagement linguistique, purement descriptives et, par là, de peu d’impact sur les attitudes passionnées, il est temps de dire les choses autrement, sans ambages, sans concession et sans appel: les dire cette fois-ci sur un autre ton, quitte à ce que ces choses soient perçues comme ‘trop épicées’ pour les goûts des esprits rationnels, dépassionnés qu’ils sont par nature.
A peine rebaptisée 'Amazighe', cette langue fut étouffée sur le champ par ceux qui la chérissent à outrance, comme les arabes de l’ancienne Arabie qui enterraient leurs filles vivantes en les pleurant, de peur d’être ternis par l’opprobre. En essayant de couvrir son visage de baisers d’amour, les siens l’aveuglent de coups de leurs becs de corbeaux imitant les colombes. Elle devient des torsions et nœuds monstrueux sur leurs langues que ne défont que des bégaiements ‘aaa, aaa, aaa’ et/ou des ‘switch’ vers d’autres langues de secours. Dans les écrits, elle tourne en quincaillerie à manger.
Si les gens ont du mal à suivre les statuts qu’ont poste en amazighe sur les pages des réseaux sociaux ou les bouquins que l’on étale sur les trottoirs, quelle que’en soit la graphie, c’est que depuis plus d’une décennie, une tendance à REINVENTER LA ROUE de cette langue a fini par casser la roue. Cette tendance, qui n’était qu’une tendance volontariste populiste de gens fragiles sur le plan psycho-identitaire, fut, de plus par la suite, institutionnalisé et officialisée.
C’est l’histoire du corbeau manquant de confiance et d’assurance, qui voulait imiter la marche de la colombe et qui a perdu par là la sienne bien adaptée à son naturel. C’est ça l’histoire d’une génération identitaire qui, pour recouvrer un semblant d’assurance, décrète un purisme linguistique narcissique, suicidaire par asphyxie volontaire.
Pour donner un contenu concret à ces propos, je donne les exemples qui suivent d’une langue émergente dans sa forme synchronique contemporaine, le persan, par lequel un premier ministre iranien Hassan Rohani, par exemple, tient tête, la tête haute, aux nations du haut de la tribune des Nation Unies. Il s’agit d’une langue que je n’ai jamais essayé d’apprendre, faute de temps, tout en sachant que cela ne nécessite que deux ou trois mois étant donné mon background lexical arabe et que je me suis fait une idée sur sa structure grammaticale formelle (phonologie, morphologie et syntaxe) d’après l’ouvrage « Grammaire du Persan contemporain » (CNRS 1957). C’est pourtant une langue de la famille indo-européenne (comme le sanskrite, le grec, le latin ou les langues germaniques) qui n’a par conséquent aucun rapport typologique ou de famille linguistique avec la famille afro-asiatique ou chamito-sémitique qui regroupe les groupes sémitiques et berbères entre autres groupes. Tout ce qui rapproche cette langue, dans sa forme vivante aujourd’hui, avec une autre langue comme l’arabe relève uniquement de l’emprunt, compris comme butin historique enrichissant et non comme appauvrissement.
Considérons les exemples suivants, tirés au hasard des premières lignes de la page web du ministère des affaires étrangères de la République Islamique d’Iran (http ://www.mfa.gov.ir/). Un simple liseur de journaux arabophones n’a pas besoin de traduction :
1- جمهوري اسلامي ايران؛ وزارت امور خارجه
(= 'الجمهورية الإسلامية الإيرانية؛ وزارة الأمور الخارجية")
2- دكتر محمد جواد ظريف وزير امور خارجه جمهوري اسلامي ايران
(= "الدكتور محمد جواد ظريف، وزير الشؤون الخارجية للجمهورية الأسلامية الإيرانية).
Le texte suivant, qui présente l’institution parlementaire iranienne dans Wikipedia (v. Ici), montre que la fréquence d’arabisme (les mots en gras) dans un texte ordinaire du persan officiel d’aujourd’hui avoisine les 40 %. Et encore, cette langue est écrite en graphie arabe que toutes les générations alphabétisées maîtrisent depuis des siècles et malgré la défectuosité d’une orthographe calquée sur la tradition arabe (absence de notation du vocalisme):
3- مجلس شورای اسلامی
مجلس شورای اسلامی رکن اصلی نهاد قانون گـذارى در کشور ایران است که از نمایندگـان منتخب مردم تشکیل شده است. در فرمان مشروطيت از مجلس ایران هم به عنوان مجلس مقدس شورای ملی و هم مجلس شورای اسلامینام برده شده است. در قانون اساسی مشروطه و قانون اساسی جمهوی اسلامی پیش از بازنگری نام این نهاد مجلس شورای ملی بوده است. مصوبات مجلس شورای اسلامی در صورت تأیید شوراي نگـيهان برای اجرا بهقوه مجريه إيران وقوه قضائيه ابلاغ مي شوند. در برخی مسائل بسیار مهم اقتصادی، سیاسی، اجتماعی و فرهنگی ممکن است اعمال قوه مقننه از راهمه برسى و مراجعه مستقیم به آراء مردم صورت گیرد که در خواست این مراجعه به آراء عمومی نیز باید به تصویب دو سوم مجموع نمایندگان مجلس برسد مجلس ایران از سایر قوا مستقل است و به طور قانونی نباید هیچ اثرگذاری از بیرون بر تصمیمات مجلس وجود داشته باشد.
Imaginons comment ces trois spécimens de textes auraient été rendus par les institutions et les individus aux tendances puristes (car chaque individu s'arroge aujourd'hui le droit de fabriquer son propre amazighe épurée) en un amazighe pur-sang, via cette industrie populaire à laquelle l’on assiste pour bricoler des pièces détachées lexicales de rechange d’origine made in Tamazgha afin d’épurer le corps lexical de la Langue Amazighe des 'impuretés' d’origine étrangère ou tout simplement jugées comme tel. Et ce à commencer par réorganiser et rebaptiser les Jours de la Création en décrétant la liste suivante: (aynas “dimanche”, asinas, akras, akwas, asimwas, asidyas, asamas) pour l’inculquer aux petits écoliers pour qu’ils expliquent à leurs parents et grands parents à la maison que désormais, le mercredi ne s’appelle plus /ass n-l3arba/ et qu’il s’appelle désormais /ass n-ukwas/.
Le résultat, tout le monde en est témoin aujourd’hui. D’une part, une nomenklatura lexicale bricolée en quincaillerie de labo, que personne n’arrive jamais à intérioriser et encore moins à digérer, à commencer par ses propres artisans et promoteurs médiatisant (Cliquer Ici pour voir une confusion à la télé entre mercredi et jeudi 'standardisés'), et d’autre part une terrible dyslexie collective qui débouche dans une aphasie de masse d’autre part: dès qu’on prononce cérémoniellement les formules rituelles de type "aytma, isttma, azul fllawn", on bégaie et bêle quelques bruits en ‘aaa, aaa, aaa’ avant d’attraper la perche d’une langue de secours (français ou arabe) pour parler du sujet, avant de conclure par "tanmmirt".
Voici un spécimen de ce qui est récurent, comme échange, au sein des groupes sociaux sur la toile parmi des étudiants très enthousiastes des filières universitaires de l’amazighe : une question d’un étudiant motivé, voir enthosiaste, sensé maîtriser l’amazighe comme langue parlée maternelle mais qui devient, comme c'est le cas pour toute la tranche instruite de ses co-locuteurs, un locuteur 'handicapé' à assister (par qui?) dans sa première langue:
[[جمعية الجيل الواعد للتربية الاجتماعية والتقافية والرياضية
irbbi riv assuvl nns
tanmmirt]]
[[Association de la génération prometteuse pour l’éducation sociale, culturelle et sportive. Je cherche l’équivalent en amazigh. Tanmmirt]]
Les deux exemples précédent en persan nous font grâce de devoir s’étendre sur les cas du turque, de l’hébreu, du vietnamien, du serbo-croate, … de l’arabe dans le lexique espagnole, du français dans le lexique anglais et vis versa, et de toutes les langues VIVANTES en ce qui concerne l’usage que les langues saines font de l’emprunt. Prenons juste un autre exemple, celui du turc contemporain, qui n’est ni du groupe indo-européenne ni du groupe sémitique, une langue que les dirigeants d'un autre état-nation fort identitaire imposent à leur tour, la tête haute, aux tribunes des nations sans être maladivement hantés par son fond d’emprunts à l’arabe et aux langues germaniques et slaves.
Dans le site du ministère turc des AE (voir Ici) où l’on trouve en haut de la page /TÜRKIYE CUMHURIYETI/ (un arabisme :الجمهورية التركية), on lit notamment par exemple un mélange d’allemand et d’arabe ainsi:
/Türk Kültür Merkezi’ni ziyare/ "visite du centre culturel turc = زيارة المركز الثقافي التركي"
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A lire également dans ce sens :
1- "Le tachelhiyt parlé, en perte de vitesse?" (2010)
https://orbinah.blog4ever.com/le-tachelhiyt-parle-en-perte-de-vitesse
2- اللغة الأمازيغية ما بين وظيفة التواصل وثفافة الشارات الطوطمية (2014
https://orbinah.blog4ever.com/en-arabe-l-amazighe-langue-de-communication-ou-signes-totemiques
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