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(En Français) Vision stratégique du CSEFRS pour l'éducation, la formation et la recherche

La 2ième édition des rencontres régionales du CSEFRS

Quelques remarques ponctuelles

 

 

Le Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique vient de lancer hier (2 nov. 2015) à la BNRM la 2ième édition de ses dialogues régionaux sur l’éducation, la formation et la recherche. Cette nouvelle édition est consacrée à la "Vision stratégique de la réforme [de l’éducation, de la formation de la recherche] et les voies de mise en œuvre" (‘Vision’ dorénavant) préconise le Conseil (pour la l’édition-2014, v. Ici, en ar.).

Du point de vue de la légistique, le texte de la Vision, tel qu’il est décliné dans la brochure distribuée, est en une articulation cohérente tant avec les leviers pertinent de la Charte Nationale sur l’Education et la Formation qu’avec les articles pertinents de la Constitution, ce qui qualifie ce texte à une formulation qui le traduit sous forme d’un projet de loi-cadre contraignante, chose d’ailleurs prévue.

 

Remarques

Certains exposés-projection qui présentent ladite Vision étaient cependant truffés par endroits de formules vaseuses, vides de contenu concret opérationnel et/ou quantifiable (تـَـمَــلـُّـك روح التغيير,  قدُرات تدبيرية ومؤهلات عالية,  etc.) et ne reflètent pas ainsi le caractère hautement explicite des concepts/formules qu’utilise le texte bilingue de la Vision telle que celle-ci est déclinée dans la brochure distribuée.

En plus de certaines prédispositions culturelles, de tradition chez un très grand nombre de l’audience des participants, cet usage massif de formules récurrentes vide de contenu a largement contribué à une mauvaise assimilation du contenu de la Vision par beaucoup de gens parmi l’audience, et, par conséquent, à une déviation du débat, qui a fait que l’exposé de la Vision devient enfin de compte, et une fois de plus pour la grande majorité des 54 intervenants au débat, un simple prétexte pour verser dans le discours traditionnel des doléances et lamentations; et les modérateurs du débat ont eu par conséquent du mal à expliquer et à rappeler aux intervenants que l’objet de la rencontre est l’exposition de la Vision pour mener dessus un débat participatif. Une intervenante, qui s’est identifié comme représentante syndicale du SNES venue d’une autre ville, a même saisi l’occasion pour faire la lecture, à partir de son iPhone, d’un long réquisitoire syndicaliste virulent à tonalité "tout est pourri", qu’on lui aurait envoyé pour être lu!

 

Là où le contenu de ce qui est présenté dans les exposés est bien explicite, mais aussi où des prises de positions dogmatiques sont également de tradition, les choses ont, par contre, fait l’objet d’un véritable débat portant effectivement sur la Vision. Mais ce fut un ‘débat’ dans un seul sens, le sens traditionnel. Il s’agit notamment du point portant sur l’architecture des langues enseignées et d’enseignement. Un nombre important d’intervenant(e)s ont tous et toutes seriné à l’unisson, une fois de plus, la fausse généralisation bien galvaudée selon laquelle les pays développés (dont la Suisse notamment avec ses trois langues ‘étrangères’) et/ou à économie émergente (dont la Corée du Sud, la Thaïlande, le Nigéria anglophone) le sont devenus grâce à l’adoption exclusive prétendue de la langue nationale dans l’enseignement.

Une mise au point franche et sans appel a été apportée à ce sujet par l’un des présentateurs d’exposés sur la Vision, M. Azzeddine El Midaoui, président de l’Université Ibn Tofail et membre du HCEFRS. Il a attiré l’attention sur les choix effectifs de toute une gamme de ces classes socioculturelles de marocains qui mènent un discours public sur les langues. Ce choix que traduit la ruée vers l’enseignement privé et l’investissement, selon les budgets de chaque classe, dans les cours ‘en noir’ de renfoncement en langues étrangères, principalement le français.

Cette mise au point rappelle indirectement mais clairement que tout se passe, aujourd’hui comme hier à l’aube de l’Indépendance, comme si ces classes socioculturelles font deux choix en matière de langues d’enseignement: (i) un choix pragmatique effectif dans la vie propre à leurs progénitures et (ii) un choix dogmatique de consommation publique réservé au reste du peuple, à la campagne, dans les montagnes et dans les quartiers populaires et bidonvilles des villes, dont les conditions socioéconomique et socioculturelles ne permettent pas de mener des discours identitaires ni sur les langues ni sur autre chose, et qui cherche juste, dans le meilleur des cas à assurer à sa progéniture une formation qui l’intègre décemment dans la société.

La différence d’avec hier, c’est qu’aujourd’hui, une nouvelle valeur a été consacrée dans la Constitution. C’est la valeur de l’équité et l’égalité des chances, une valeur qui constitue d’ailleurs l’un des Trois Fondements explicitement, déclarés comme piliers de base de la vision stratégique du HCEFRS, et qui figure parmi les 17 mots-clefs du texte de la Vision (brochure; p.92) à savoir : 1 la qualité (de l’enseignement) pour tous, 2 l’équité et l’égalité des chances et 3 la promotion de l’individu et de la société (v. la brochure; p.14).

L’un des alinéa de définition, dans le texte de la Vision, du mot-clef de cette valeur fondamentale au niveau de l’enseignement précise que «L’équité dans le domaine de l’éducation signifie : - la généralisation de l’accès à l’éducation pour tous, c'est-à-dire assurer une place à l’Ecole pour tous, avec les mêmes critères de qualité et d’efficience sans aucune sorte de discrimination due à la appartenance géographique ou sociale, au genre, à un handicap, à la couleur de peau, à la langue ou aux croyances».

Que les faits soient conscients ou inconscient, il est donc clair que tous ceux qui prêchent par un double choix en matière de langues d’enseignement sont d’accord sur le premier volet de la définition de l’équité en matière d’éducation, à savoir la généralisation de l’enseignement, mais pas sur le deuxième volet, celui de la qualité !

 

En fin, à ce titre, le texte de la Vision aurait bien pu gagner en pouvoir de conviction malgré tout, s’il avait été doté d’un préambule explicite de synthèse sur l’état des lieux à propos des grandes questions qui avaient fait l’objet de diagnostics lors de l’édition-2014 des rencontres régionales du CSEFRS. Une synthèse de l’état des lieux des choix sociolinguistiques effectifs sur le terrain en matière de l’architecture préconisée des langues de l’enseignement, aurait pu constituer un élément capital en matière de conviction au sujet de ce que préconise la Vision, et ce loin de tout discours dogmatique à coups de slogans et principes, surtout si cette synthèse s’appuie sur une étude statistique chiffrée de terrain sur les choix effectifs des marocains en la matière. Une étude facile à réaliser à partir des données conjuguées (appartenances sociales des parents d’élèves, langues où ils font recours au cours de renforcement, etc.) du HCP, des départements ministériels concernés et d’une investigation ad-hoc sur le terrain auprès des établissements d’enseignement privé.

Bien sûr que c’est l’élite, en principe, qui "guide le peuple" et non l’inverse; mais du moment où ce qui est pris pour telle fait un plan A pour lui-même et un autre plan B pour le reste des citoyens, cette entité-là ne représente nullement une élite; elle devient un simple corps hétérogène d’intérêt de monopolisation de l’ascension sociale.

 

Mohamed Elmedlaoui

https://orbinah.blog4ever.com/m-elmedlaoui-publications-academiques



04/11/2015
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