(En français) Significations de la crise entre Ban Ki Moon, SG des ONU et le Maroc; mars 2016
L’affaire du Sahara,
Est-elle en passe de retrouver ses propres dimensions?
(Une version plus concise est sur Quid.ma Ici)
De certains faits pertinents
Les choses se précipitent à grande vitesse pour la question du Sahara pour lui faire retrouver, semble-t-il, ses propres dimensions et sa véritable nature mise à jour à la lumière de l’évolution de la nouvelle donne de l’histoire. Il s’agit de sa nature en tant que manifestation majeure d’une dialectique qui existe entre processus de démocratisation et mise en place d’états-nations modernes dans les pays qui sortent d’une longue période de répartition et partage entre puissance colonial (pour le cas du Maroc v. Ici en angl. et Ici en ar.).
Les indices révélateurs de ce tournant sont d’une part les tout derniers épisodes de ce dossier sur le plan de la diplomatie, marqué de façon récurrent sur le plan international à par des murs d’impasse et sur le plan de la diplomatie marocaine, par une série de crises. Crises avec l’émissaire onusien, Christopher Ross en 2013 (v. Ici), avec le dép. des A.E des USA, avec la Suède, avec l’Union Européenne et enfin avec le S.G de l’ONU, Ban Ki-Moon. D’autre part il y eut comme indice de ce tournant la gigantesque marche du 13 mars 2016 à Rabat contre les déclarations justement de ce dernier (B-K-M) en la matière où il qualifie le Maroc de pays occupants, des propos qui lui donnent non pas la qualité du premier responsable de la diplomatie onusienne neutre mais l’allure d’un militant rouge ou de toute autre couleur brandissant les deux doigts en signe du V de la victoire vers l’une des parties du conflit (v. Ici), ou d’un intellectuel activiste du fameux front ZCommunications (v. Ici) à côté d’un N. Chomsky et d’un Stephen Zunes par exemple (v. Ici). Le comble de tout ce qui précède étant l’affront de condescendance hautaine et humiliante, infligé par ce S.G des NU au représentant de la souveraineté d’un Etat membre et contribuable, devant les nations au carré même du protocole au siège de l’ONU, et ce en boudant publiquement le geste protocolaire de poignée de main du ministre marocain des AE (v. Ici et Ici) et en rajoutant à cela par la suite de pires autres déclarations (v. Ici), choses qui ont précipité la réaction officielle immédiate du Maroc qui s’en est suivie de nouveau en carambolage de crises sans fin (v. Ici).
Significations de la marche du 13 mars 2016 à Rabat
Abstraction faite de l’appui logistique apporté par différentes instances représentatives communales et régionales à la gigantesque marche millionnaire de la société civile à Rabat contre les déclarations de B.K.M, chose des plus normales, finir par dire de cette marche qu’elle n’est qu’une mise en scène officielle orchestrée relève tout simplement d’une insulte caractérisée à l’égard de toute la société civile d’un peuple, surtout si cela porte la signature du premier responsable de l’ONU (v. Ici). De par sa nature et son ampleur, cette marche confirme, au contraire, un tournant qui se profilait déjà à l’horizon dans le sens de mettre fin à un paradoxe qui consistait à ce que les énergies de la société civile marocaine ne puissent être canalisées que de façon oblique par le biais de certaines causes externes quel que soit leur nature sur le plan de l’éthique universelle, et ce à cause d’une tradition culture-politique admise, selon laquelle les questions qui touchent aux enjeux géopolitiques de l’Etat même dans son abstraction ne sont abordables par les forces politiques et la société civile que sous forme de commission ou tout au moins avec feu vert.
A travers la marche du 13 mars à Rabat, la société civile marocaine a donc symboliquement mis un terme à l’ancienne tradition politique officielle qui consiste à confiner la question territorial du pays dans la sphère du jeu des nations en tant que dossier technique que monopolise la buraucratie officielle, et ce depuis que l’Etat marocain a inscrit en 1963 le Sahara au NU dans la Liste des Territoires Non Autonomes selon les Nations Unies (v. Ici ) dans les conditions bien connues alors des lutes internes au sujet des termes de gestion du pouvoir suite à la dissolution de l’Armée de Libération du Sud Marocain (v. Ici). Cette marche, est semble-t-il donc le reflet, au niveau de la société civile, des nouvelles orientations imprimées à la politique et à la diplomatie marocaine en matière de la question du Sahara notamment et qui s’inscrivent dans le cadre d’enlever l’ancien caractère purement technique et ultra bureaucratique à ce dossier.
Vers une nouvelle reconfiguration de la question territoriale?
Dans le cadre de ladite longue dialectique entre démocratisation et parachèvement de la construction d’un état-nation moderne issu d’une longue période de répartition coloniale dans toute la région, de nouvelles expériences politiques (Equité et Réconciliation, Droits de l’Homme) et de nouveaux cadres institutionnels vont également dans le sens de cette dialectique (Constitution-2011, plan de régionalisation avancée, proposition d’autonomie). De nouveaux acteurs politiques et institutionnels commencent également à peser dans le domaine diplomatique au sens large, suite notamment à la crise avec la Suède au mois de janvier 2016.
Dans le cadre de l’évolution des choses, des nouvelles formations politiques diverses sont entrées en jeu. Ces formations sont historiquement issues en partie, pour les unes d’après leurs leaders historiques, de l’ancienne Armée de Libération du Sud Marocain de la fin des années 50s (le cas des formations proches du leader de la Résistance, Ben Saïd Ayt Idder), et pour les autres uniquement des anciennes mouvances révolutionnaires de la gauche radicale dans les années 70s du 20e s. Elles ont toutes été inextricablement liées pendant les années 70s à la jeunesse militante sahraouie dans le cadre de la fameuse idée politique de la gauche radicale de l’époque, dite idée de ‘foyer révolutionnaire" au Sahara (v. Ici en angl. et Ici ar.). Certaines d’entre ces formations (al-Nahj al-Dimokrati par exemple) ont toujours entretenu ce rapport avec les militants sahraouis même dans les camps de Tindouf, et beaucoup de leaders de ces formations ont fait prison et/ou exil par le passé pour leurs idées.
Ces formations s’activent aujourd’hui pour mettre à contribution leur rapports et affinités politiques avec les sahraouis pour explorer les chemins d’entente qui sont de nature à soustraire la question du Sahara au jeu des Etats et nations, aussi bien sur le plan régional que sur le plan international. Les dernières initiatives du PSU (Parti Socialiste Unifié) et du Centre de Recherche et d’Etudes Ayt-Idder semblent bien aller dans ce sens (v. Ici et Ici), ainsi que les offres qu’expriment certains leader du parti al-Nahj a-Dimokrati (v. Ici).
Ce type d’initiatives, il y en a déjà eu des précédents à petite échelle (dialogue avec les militants sahraoui dits ‘de l’intérieur’; v. Ici). Ces initiatives sont de nature à remédier, par ce que permet la nouvelle donne de l’histoire, aux deux erreurs complémentaires commises au sujet de la question du Sahara selon l’analyste Raymond Benhaim dans un long texte qu’il a publié en 2013 sous le titre de "Cinq questions sur le Sahara", un texte dont je ne partage pas personnellement la tonalité de fond, mais dont j’en partage pleinement beaucoup de points d’analyse et d’interrogation.
Pour clore cet article, je reproduis ci-dessous certains extraits de cet article de R. Benhaim, formulés sous forme d’interrogations sur la politique du Polisario d’une part et des forces politiques que cet auteur appelle ‘organisations progressistes marocaines’. Ces interrogations mettent le doigt sur deux faits complémentaires dont toutes les manifestations de blocage récurrent qui ont ponctué l’affaire du Sahara ne sont que des conséquences logiques.
Extraits du texte de R. Benhaim "Cinq questions sur le Sahara"
[[- Pourquoi avoir accepté d’être sous la dépendance de la stratégie et de la diplomatie algériennes? L’Algérie soutenait et finançait encore en 1973 le mouvement sahraoui du Morehob, installé à Madrid, mais s’est porté immédiatement au secours des populations sahraouies ayant fui l’approche de la marche verte.
- Pourquoi avoir cédé à la pression algérienne en créant la RASD, quatre ans à peine après la naissance du Polisario ?
- Incompréhensible auprès du premier concerné et du seul allié potentiels stratégique majeur de la lutte de sahraouis, le peuple marocain. Il est évident qu’en proclamant la création d’un Etat, les sahraouis se sont coupés de la possibilité de toute solidarité avec le peuple marocain. Le peuple marocain ne pouvait accepter d’être mis devant le fait accompli de la création d’un Etat alors qu’aucun débat, qu’aucune lutte commune ne furent entreprises, alors que les organisations progressistes marocaines étaient en lutte ouverte pour un régime démocratique contre le régime de Hassan II, et qu’elles en avaient une profonde expérience de cette lutte. (v. ).
- En créant un Etat séparé, les sahraouis se déclarent en dehors de la lutte du peuple marocain, et considère leur combat contre le régime de Hassan II indépendant de la lutte pour la démocratie que mène le peuple marocain. La lutte nationale est considérée par les sahraouis comme étant indépendante de la lutte démocratique et sociale du peuple marocain. Cette erreur funeste tire son origine de l’inexpérience et de l’ignorance qu’avaient les jeunes générations sahraouies.
- Ainsi, l’impasse actuelle est la suite fatale d’une double erreur stratégique, celle des directions des organisations marocaines qui subordonnaient la libération du Sahara à la démocratie au Maroc, et celle de la direction du Polisario dans sa politique d’alliance : au lieu de se lier avec le peuple marocain contre le régime anti démocratique de Hassan II, il choisit l’alliance avec l’Etat algérien contre l’ensemble du peuple marocain.]] (Ici)
Récapitulation
Les nouveaux contours que semble dessiner le nouveau mode de gestion de l’affaire du Sahara dans ses dimensions propres de départ durant ces dernière années et sur des plans pluriels et diversifiés impliquant forces politiques plurielles et société civile, semblent également apporter des réponses pratiques, appropriées à la nouvelle donne de l’histoire, aux grandes questions formulées dans le texte de R. Benhaïm. Ces questions elles-mêmes, ainsi que les réponses qui sont en cours de leur être apportées, se complètent pour expliquer les causes de la série de blocages et de crises diplomatiques récurrentes qui ont ponctué l’histoire de cette affaire, en réduisant ces blocages et crises en de simples épiphénomènes de surface dont la dernière crise avec Ban Ki Moon ne serait en réalité qu’une avant-dernière pour le moment sur le plan classique de traitement de ce dossier. La conclusion politique à tirer de tout cela est ouverte pour tout le monde.
Mohamed Elmedlaoui
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