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(En français). L'Arabe Marocain: diachronie fondamentale de la formation du lexique d’une langue

L'Arabe Marocain:

Diachronie fondamentale de la formation du lexique d’une langue.

 

 

 

Circonstanciation du texte

 

Un article presque fini découvert (juillet 2020) dans les fichiers de l’auteur. Ces éléments proviennent de Elmedloui-1998 et 2000, qui développent, dans leur ensemble, une idée exprimée dans Elmedlaoui 1985, notamment la note (16) p:196.

Je remercie le réseau AUPELF‑UREF qui, grâce au séjour qu'il m'a permis à Paris (mars-septembre 1995) a en partie rendu possibles ces derniers développements. Je remercie également les responsables du CRLAO (CNRS‑EHESS. 54 Bd Raspail. Patis) ainsi que Mrs. Georges Bohas (Univ. Paris VIII), François Dell (CNRS. Paris) et Georges Boulakia (Univ. Paris VII, Charles V) de toutes les facilités dont ils m'ont fait bénéficier pendant ce séjour. Je remercie enfin les responsables et les membres du GLECS de m'avoir permis, la même année, de présenter ce travail dans le cadre des réunions du GLECS (EPHE. 4e sect. Sorbonne) et de m'avoir fait bénéficier de leurs remarques.

En attendant la mise en ligne du texte intégral de l’article (28 pages), une fois revu et sa bibliographie complétée et partiellement mise à jour, en voici la récapitulation finale.

 

Conventions

AM (Arabe Marocain); AC (Arabe Classique)

 

Notation phonétique provisoire: ش/š ; ج/ž ; ص/ṣ ; ط/ṭ ; ض/ḑ ; خ/x ; غ/ɣ ; ق/q ; ع/Ꜫ ; ح/ ћ ; هـ/ɦ. Les consonnes syllabiques sont marquées en gras avec soulignement. /ə/ voyelle furtive dite cheva

 

 

Récapitulation de l’article

 

Comme pour toute langue socio-linguistiquement vivante et en plein rapport d’échange permanent, plus où moins fort et/ou décisifs parfois avec d’autres langues, l’AM (surtout son lexique) est le produit d’un substrat (le substrat berbère) et un adstrat (l’adstrat sémitique, arabe en premier lieu).

En plus des étymologies différentes (majoritairement arabes, mais aussi berbères et autres), les grands paramètres phonologiques sur le plans desquels le substrat berbère a façonné la formation de du lexique de cette langue chamito-sémitique (afro-asiatique) par excellence qu’est l’AM, sont:

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(i) un nouveau système de syllabation (par rapport à une autre langue sémitique comme l’AC) qui a donné lieu à une nouvelle génération de voyelles après un amenuisement de l’ancien fond des voyelles étymologiques sémitique (*sayf -> sif "épée"; *dalw -> dlu "seau en cuire"; *waž ɦ -> užəɦ "face") et à l’apparition de consonnes syllabiques (*ћabl -> ћbl "corde"; * žabal -> žbl "montagne"),

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(ii) l’apparition d’une sous-classe de dorsales, à savoir /Kw/ (kw, gw, qw, xw, ɣw) comme sous produit épiphénoménal de la chute du vocalisme étymologique, les voyelles rondes précisément (*kursiy -> kwrsi "chaise", ɣuraAb -> ɣwrab "corbeau", courtier -> kwrti),

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(iii) l’apparition d’un fond particulier de vocables contenant une vélaire étymologique sémitique *g sous plusieurs formes quant à la phonétique de ce segment. cette vélaire donne lieu en AM, dans le cadre d’une évolution d’antériorisation commune à la plupart des dialectes arabes, soit à un /ž/ dans les vocables ne contenant pas de sibilantes (*rigl -> r žl, *gamal -> žml "chameau), soit - comme variante libre ou régionale en cas de présence d’une sibilante - à un /z/ (aguwz -> zuza "belle mère d’une mariée") ou à un /d/ (aguwz -> Ꜫduza "belle mère d’une mariée") ou reste inchangée /*g/ (gazzaAr -> gzzar "boucher", gins -> gns "ethnie", Ꜫaguwz -> Ꜫduza "belle mère d’une mariée").

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L’arabe marocain a connue une grande homogénéisation d’envergure historique le rapprochant de l’Arabe Standard, à partir de la 2ième moitié du 20e siècle, et ce grâce à l’extension de la scolarisation moderne, à l’exode rurale et à une mobilité socioprofessionnelle d’envergure ainsi qu’à l’arabe standard des médias (radio et télévision), facteurs qui poussent, tous, les locuteurs des nouvelles générations à gommer tout ce qui est indice sociolinguistique régional ou local (prononciation, accent, termes particulier). Il continue d’évoluer dans les deux sens en ce qui concerne les deux paramètres de changement, (i) et (iii). D’un côté, on y continue toujours à opérer la chute des voyelles étymologiques du nouveau fond d’emprunts lexico-conceptuels, qu’il s’agisse de l’arabe standard moderne (mutamarris -> mtmrrəs "expérimenté") ou d’autres langues (formater -> frṭ). D’autre côté, les facteurs sociolinguistiques d’homogénéisation qui viennent d’être énumérés, poussent vers l’abandon du trait de labio-vélarisation (kwnna -> knna "nous étions") et de l’harmonie des sibilantes (ttšmməš/ttsmməs -> ttšmməs "s’exposer au soleil"), traits socio-linguistiquement perçus comme traits linguistiques bédouins et d’inculture. Ainsi, s’agissant du système de syllabation, auparavant presque identique à celui du berbère (Tachlhiyt notamment; v. Dell & Elmedlaoui 2002), les locuteurs des nouvelles générations scolarisées n’excluent plus certains contours de sonorité en syllabation, notamment le contour montant dans une rime de syllabe.

Dans l’ancien fond lexical, au schème CvCvC de l’AC (nom ou verbe) correspond toujours CCəC en AM (adas -> Ꜫdəs "lentilles"; katif -> ktəf "épaule") tandis qu’au schème nominal CvCC de l’AC, correspond le schème nominal CəCC en AM (sabt -> səbt "samedi"; sux ->  səxṭ "malédiction") à moins que la consonne C3 ne soit une sonante ‘S’ (r, l, m, n). Si tel est le cas pour C3 dans CvCC de l’AC, le correspondant AM est CCəS (et non CəCC qui est le correspondant par défaut), et la règle de correspondance diachronique (9) prend effet en transformant la rime syllabique əS en une sonante syllabique S; tout cela pour éviter un contour croissant de sonorité dans la rime syllabique de type CəCS.[i]

Ainsi, à la différence de la régularité AC/AM de type sabt/səbt, sux/səxṭ, Ꜫabd/əbd "esclave" qui est la régularité par défaut d’une C3 sonante, des noms AC de type CvCC se terminant par une sonante ‘S’, ont pour correspondant en AM la forme CCəC. Ainsi, les correspondances nominales AC/AM: qabr/qbər[q.br] "tombe"; šibr/ šbər[š.br] "empan"; tibn/tbən[t.bn] "paille"; ћabl/ ћbəl[ћ.bl], etc.

Avec la nouvelle génération de locuteur d’AM, largement scolarisée, de nouvelles correspondance AC/AM de type CvCC/CəCC avec une sonante en position C3 commencent à être attestées, telles que al-faqr/l-fəqr "la pauvreté", an-našr/nnəšr "la publication", al- ža ɦl/l- žə ɦl "ignorance/grossièreté" (pour l’ancienne génération: žž ɦəl [žž.ɦl]), etc.

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En ce qui concerne la phonologie segmentale, Il y a aussi chez la nouvelle génération de locuteur d’AM, comme il a été signélé une forte tendance à l’abandon du trait de labio-vélarisation et de l’harmonie des sibilantes. S’agissant du dernier paramètre, il y a même un phénomène d’hypercorrection dû aux corrections parfois traumatisantes à l’école, où sifflantes et chuintantes contrastent bien pour le français et l’AC enseignés, contrairement à la contrainte (6)-1 formulée au début de cet article. Ainsi, on entend parfois, pour certains emprunts au français, des maniérismes de type: /srža/ au lieu de /šrža/ "charger", /ṣufaž/ au lieu de /šufaž/ "chauffage". On peut même en entendre de l’arabe /ṣžṛa/ au lieu de /šžṛa/ (AC ancien: */šagaṛa/).

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Enfin, la morphologie verbale de l’AM, langue afro-asiatique (voir sémitique), s’est depuis longtemps affranchie - comme l’hébreu moderne - de la contrainte sur le nombre des consonnes (4 au maximum) et des voyelles (2 au maximum) dans le radical. Cela lui a offert de grandes possibilités d’intégrer de nouveaux emprunts de la vie moderne (/klakuna/ "klaxonner", /urkiṣṭra/ "orchestrer", …). Dans ce sens, l’AM a mis au point un nouveau paradigme de morphologie verbale pour l’opposition Accompli/Inaccompli, le paradigme Xa/Xi (X: ensemble de segments) pour tout le fond d’emprunts anciens et/ou en cours aux langues non sémitiques (Acc. /klakṣuna/, /urkiṣ ṭra/ vs. Inac. /klakuni/, /urkiṣ ṭri/ respectivement; Elmedlaoui 2019).

Ce nouveau groupe de verbes forme son participe (comme pour les quadrilitères d’étymologie sémitique) par une préfixation du formatif /m-/ au thème de l’Inaccompli (m-klakuni, m-urkiṣṭri). Comme pour les participes des quadrilitères du fond sémitique lui-même en AM (/m-qdr/ "galvanisant/galvanisé", /m- ɣnbr/ "masquant/masqué"), ces nouvelles formes participiales sont ambigües, pour ce qui est de la voix, entre participe actifuwa lli murkiṣṭri ɦadšši "c’est lui l’orchestrateur de ça") et participe passifadšši murkiṣṭri mn bid "ceci est orchestré de loin").[ii]  

Références de cette récapitulation

 

Dell,  François and Mohamed Elmedlaoui (2002) Syllables in Tashlhiyt Berber and in Moroccan Arabic. The Kluwer International Handbooks in Linguistics. Vol. 2; Kluwer Academic Publishers.  Dordrecht / Boston / London.

 

Elmedlaoui, Mohamed (1985). Le parler berbère chleuh d’Imdlawn: segments et syllabation. Doctorat de 3e cycle. Département de Linguistique. Université Paris-8 à St Denis. 1985

 

Elmedlaoui, M. (1998). "Le substrat berbère en Arabe Marocain: un système de contraintes"; Langues et Littératures, vol. xvi-1998 (Contact et évolution historique des langues au Maroc), pp: 137-165. Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines – Rabat.

 

Elmedlaoui, M. (2000). "L'Arabe Marocain: un lexique sémitique inséré sur un fond grammatical berbère". Pp: 155-187 in Salem Chaker, éd. Etudes Berbères et Chamito-Sémitiques; mélanges offerts à Karl-G. Prasse; réunis par Salem Chaker et Andrjez Zaborski. Peeters: Paris-Louvain 2000.

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Copyright:  Mohamed Elmedlaoui Juillet 2020

https://orbinah.blog4ever.com/m-elmedlaoui-publications-academiques

 

Pour citation:

Elmedlaoui, Mohamed (12 Juillet 2020). "L'Arabe Marocain: diachronie fondamentale de la formation du lexique d’une langue".  https://orbinah.blog4ever.com . Lien directe :

https://orbinah.blog4ever.com/en-francais-l-arabe-marocain-diachronie-fondamentale-de-la-formation-du-lexique-dune-langue

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[i] Cette contrainte est formulée dans Dell & Elmedlaoui 2002: 200 comme NoRR (No Rizing Rime). Pour son cas en AM, voir Ibid. pp:315-316.

 

[ii] La morphonologie de l’AC présente également ce diagnostic d’ambigüité des deux participes pour certaines formes verbales comme la forme /KtaTaB/ (racine KTB) lorsque la deuxième de la racine est une semi-consonne (/mu-xtaAr/ "celui qui a choisi / celui qui est choisi" /muɣtaAl/ "celui qui a assassiné / celui qui est assassiné").

 

 

 



13/07/2020
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