La musique amazighe à l’honneur. Prix Farabi, décerné à Belaid Akkaf
La musique amazighe à l'honneur.
Le Prix Farabi décerné à Belaid Akkaf
Mohamed Elmedlaoui
Institut Universitaire de
L'artiste musicien, Belaid Akkaf, vient d'ajouter un autre trophée à son riche palmarès: le Prix Al-Frabi que lui a décerné
Belaïd Akkaf est bien connu par sa musique de type fusion, où la musique amazighe caractérisée par ses modes pentatoniques et ses rythmes impaires (ternaire, quinaire, etc.) constitue le fil de fond et où la trame et constituée, selon le cas, d'une couleur choisie de toute une gamme de genres musicaux compatibles, nationaux et internationaux, le jazz en tête.
Lors de son allocution, le ministre de la culture a eu raison de faire remarquer que le fait de marier jazz international et musique amazighe revient juste, en fait, à rattacher le ruisseau directement à la source. Par là, le ministre fait allusion aux origines africaines de cette musique, maintenant internationale, mais qui tire ses racines de l'Afrique comme c'est toujours le cas de la musique amazighe qui continue d'assumer pleinement son africanité à travers le Maroc dont elle constitue le socle de l'authenticité du reste des genres musicaux.
En fait, immédiatement après, le magnifique quatuor du group Akkaf donna au public la preuve tangible de ce qui venait d'être avancé, en produisant successivement neuf pièces: Sultan of the night, Danse sidi Hmad ou Moussa, Hommage à Tombouktou, Sect, Marabout, Prayer, Ibn Battouta, Caravane et Soif. La première pièce, Sultan of the night, a été notamment l'occasion pur le public de réécouter, sous une forme originale, la fameuse pièce de jazz, take Five de Paul Desmond, mise au diapason amazighe, avec les timbres d'instruments amazighs traditionnels authentiques (utar, rebab monocorde, flûte et tambourin). Le rythme quinaire (5/8) que la pièce d'origine imprime sous une forme double (10/8), rythme rarissime dans la musique occidentale mais familier à la musique amazighe (ahwash 5/8, ahidus 10/8), aux serrabat du malhun (goubbahi : 5/8) et au hwwari, porte la fusion à son apothéose, et le public, qui n'était pas nécessairement directement versé ni dans les modes de la musique amazighe proprement dite ni dans le jazz, a tout simplement eu l'impression magique d'entendre des échos de ses propres profondeurs. Par la suite la même magie fut appliquée aux grands genres de la musique marocaine: Hassani, Gnaoui, Taqtuqa, Ayta/Atlas, Andalous, etc. pris à chaque fois comme trames appliquée à un fil de fond de modes amazighes.
Le public eut l'impression paradoxale de revenir sous une forme modernisée à l'esprit des modes musicaux de la chanson marocaine en général des années soixante du 20e siècle avant que les modes et les rythmes orientaux ne déferlent sur son espace. L'époque où les thèmes (phrases musicales de base) de la composition étaient puisés et développés à partir des airs populaires du terroir.
Ce sont là les éléments d'un long article déjà publié il y a quelques années, qui constitua l'arrière plan de mon allocution lors de la remise du prix et dont j'ai rendu une copie à Monsieur le Ministre. Il y s'agit d'un plaidoyer scientifique appuyé par des références académiques pour la sauvegarde scientifique et gestionnaire du patrimoine musical amazighe marocain qui est la chance de survie de la musique marocaine et la garantie de son rayonnement international. Le témoignage apporté par les deux grands artistes, Haj Younes et Mohamed Damou lors de l'émission Naghma U-Atay sur la 1ière Chaîne le 19 janvier 2008 à propos de l'impact extraordinaire sur le public asiatique, du répertoire amazighe qu'a présenté la raysa Fatima Tihihit en Indonésie et en Chine (pays aux musiques pentatoniques), est un témoignage de gens de terrain dans ce sens. Même la musique andalouse marocaine perd ses atouts lorsqu'on l'éloigne de cette propriété des grands intervalles (i.e. l'absence du quart du ton) qui caractérise le fond de la musique marocaine, et ce lorsqu'on essaie par exemples parfois d'y introduire des muwwal orientaux.
Sur le plan technique, le quatuor Akkaf fascine également. Ses membres jonglent, chacun à merveille, avec au moins trois instruments et avec la même virtuosité. Des instruments, comme le rebab monocorde, qui traditionnellement ne dépassent pas une octave, se révèlent plus riches sous leurs doigtés. La composition introduit le contrepoint et la variation et sort des limites de la traditionnel structure monotone d'une seule phrase musicale en Appel-Réponse et à l'intérieur d'une seule octave. Et par-dessus tout, un autre format musical amazighe est né: la musique instrumentale de chambre.
Sur le plan culturel, l’oeuvre de Belaid Akkaf s’inscrit dans une perspective de dialogue interculturel à travers la langue universelle des humains, la musique. Les rapports qu’elle a pu revitaliser et mettre à jour entre différents modes et rythmes, à première vue appartenant à des mondes distants, sont l’expression de ce dialogue. Avant Akkaf, le Prix Farabi a déjà été décerné par le passé, successivement à Said Chraibi, à Zoubida Idrissi (v. https://orbinah.blog4ever.com/blog/lire-article-162080-562604-le_prix_al_farabi_2007_pour_zoubeida_idrissi__diva.html ) et à Samira Kadiri qui vient d’ailleurs de célébrer (31 décembre 2009) une magnifique soirée à
En consacrant de telles œuvres, le Comité National de
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