Lorsque la tragédie de la Shoah devient un instrument de la petite politique
Lorsque la tragédie de
(A propos de la visite d'un groupe d'Amazigh en Israël)
Mohamed Elmedlaoui
La presse marocaine parle ces derniers jours d'une visite qu'a effectuée une vingtaine de Marocains en Israël, invités par le Musée Yad Va Shem du Mont Hertzel à Jérusalem pour assister à un séminaire sur
On lit notamment ce qui suit dans la couverture de l'évènement (voir http://www1.alliancefr.com/articles.ahd?art_id=8892):
«Une vingtaine d'enseignants venus du Maroc ont participé la semaine dernière à un séminaire à Jérusalem sur l'enseignement de
La visite des enseignants berbères à l'institut Yad Vashem de Jérusalem a été rendue possible grâce aux efforts de l'association pour l'Amitié entre les Amazighs et les Juifs. Cette dernière existe depuis 2007 au Maroc. Elle a pour objectif, le développement des relations entre Imazighenes (les berbères) marocains et les juifs berbères vivant en Israël ».
Je remarque tout d'abord le paradoxe identitaire de "BERBERES" qui, dans l'esprit politique du texte, "représentent" un "pays ARABE". Je conclus en suite de l'évènement en soi tel qu'il a été organisé, ainsi que du sens qui se dégage explicitement de la manière dont il a été présenté, que
Pour ce qui est des identités plurielles, dans leur rapport avec la cytoyenneté, le Maroc a entamé depuis longtemps sa politique de démocratisation et de gestion rationnelle de ses différentes pluralités, sur tous les plans, dans un esprit citoyen moderne; et c'est une démarche déplacée, perverse et contreproductive sur tous les plans également, que de se servir, avec opportunisme, de la mémoire de la tragédie de
Enfin, et pour ce qui me concerne en tant que chercheur qui a consacré le gros de sa carrière à promouvoir la langue et la culture amazighes notamment, ainsi que la culture judéo-marocaine et la langue hébraïque au Maroc, et qui a exercé notamment dans l'Institut Royale de la Culture Amazighe, il m'est arrivé avant même ledit message royal à la conférence de lancement du Projet Aladin, que je sois invité par les organisateurs (Mairie de Paris et Fondation de la Shoah) du déplacement Paris - Auschwitz Birkenau de l'année dernière 2008. Je donnai mon accord par écrit avant que ce déplacement ne fût reporté à cause de la guerre de Gaza, report qui m'a d'ailleurs stupéfait, à cause justement de l'amalgame qu'en dégagent ses propres motifs évoqués, de présenter la comémoration en soi de façon indirecte comme un jeste non pas envers la tragédie en elle même, mais vis-à-vie d'une politique donnée sur le terrain au Moyen Orient (on annule le souvenir de l'Holocauste parce qu'Israël nous gène par son attaque "disproportionnée" de Gaza!). J'avais donné mon accord en tant que simple citoyen, et sur la seule base de mes seules propres convictions personnelles en ce qui concerne le sens de la tragédie en elle-même, en soi, et en ignorant aussi bien tous "les détails" négationnistes (la comptabilité macabre par exemple, etc.) que toutes les récupérations dont cette tragédie a fini malheureusement par faire l'objet ici ou là. Mais si, en plus de tout cela, elle commence à être instrumentalisée, de part et d'autre, dans la politique interne de mon propre pays, j'imagine mal qu'un citoyen digne et responsable puisse être au rendez-vous à l'avenir s'il risque de se trouver catégorisé avec des gens qui se présentent, et qu'on présente, comme des "Berbères" (ou des Arabes ou encore des Musulmans) et qui cherchent à conclure - comme ils l'ont dit explicitement - des rapports politiques dans des espaces à haute sensibilité, non pas en tant qu'individus ou tout au plus en tant que Marocains qui ont une vision politique donnée, mais en tant qu'une ethnie particulière à laquelle on cherche à forger une stature, une politique distincte et une visibilité internationale. En accord avec la Constitution et la loi au Maoc, dans tout espace qui n'est pas proscrit par une loi, on représente soit sa propre personne, en tant que simple citoyen, soit son association légalment reconnue et dans les limites de sa vocation, soit son parti politique, sachant que la loi ne permet pas de parti fondé sur des dimensions éthniques ou confessionnelles. La conception ethnographique et folkloriste d'un Maroc, en tant qu'un simple collage particulier et précaire de tribus berbères et arabes, mérite certainement une mise à jour plus en phase avec l'époque. Il se peut fort bien, en fait, que les nouvelles réalités sociopolitiques du Maroc actuel échappent à beaucoup de ceux qui ont monté l'opération des deux côtés. Mais il y parmi ceux qui ont participé audit séminaire du côté israélien, selon le rapport précité de l'Alliance, des autorités scientifiques auxquelles rien ne peut échapper de la sémiologie politique qui se dégage de la façon dont l'évènement a été organisé et présenté aux média ; je pense notamment au politologue Bruce Maddy Weizman, fin politologue spécialiste des pays du grand "Moyen Orient", entité-sac récusée d'ailleurs un jour par le souverain marocain Mohammed VI dès le moment où la tradition israélo-américaine commence y ranger le Maroc d'aujourd'hui; il s'agit d'un pays que les véritables Orientaux (du Moyen ou du Proche Orients) ont toujours considéré est nommé Maghrib Aqsaa ("Extrêm Occident").
(1) Voir le texte du SM, Mohamed VI in : http://www.lematin.ma/Actualite/Journal/Article.asp?origine=jrn&idr=110&id=110460
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