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(En français) PRESENCE MAROCAINE ET PRESENCE FRANÇAISE (D'après les indices de CIU de Paris), après une génération

PRESENCE MAROCAINE ET PRESENCE FRANÇAISE

(D'après les indices de la CIU de Paris) *

 

*Texte publié dans La vérité; n° 244 (17-23 février 2006). Pp 26-27

 

 

Mohamed Elmedlaoui

IURS – Univ. Mohammed V de Rabat

 

La morale

L'histoire a besoin d'une génération au moins pour se ressaisir dans certains de ses épisode. Ce qui semble atteint aujourd'hui pour les relations franco-marocaines.

 

Prétexte d'un rappel

 Le parcours d'un roi - Le Maroc de Mohammed VI

 

 

 

Le texte-2007 ici rappelé

 

«En ce jour, IX mai  de l'an MCMXXIII, en présence de M. Léon Bérard, ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts et de plusieurs autres personnages très notables, représentants qualifiés de plusieurs nations (…), le présent parchemin a été déposé par M. le recteur Paul Appel, président du Conseil de l'Université de Paris et par Monsieur Emile Deutsch de la Meurthe, citoyen français

C'est là un extrait du texte du parchemin scellé le 9 mai 1923, au centre de l’espace qui deviendrait par la suite la Cité Internationale Universitaire de Paris. Un texte gravé dans «la première pierre d'un groupe de construction destinées à pourvoir de logements salubres et économiques trois cent cinquante étudiants et étudiantes peu fortunés».  Le texte, ainsi gravé sur pierre, est toujours visible dans le flan nord à l’angle nord-est de la tour à horloge du bâtiment administratif du groupe de logements Fondation Deutsch de la Meurthe, actuellement (2005) et depuis plus d'un an, en rénovation.

Reconnaissant la générosité du mécène Emile Deutsch de la Meurthe, le texte ajoute que «Cette fondation, créée par lui, est la première de celles qui bientôt vont naître et vivre sur le même domaine, toutes destinées aux étudiants et dues à l'initiative de personnes généreuses, françaises ou étrangères, amis de la France. L'ensemble de ces établissements formera la Cité Universitaire, bourgade d'étudiants située entre le parc Montsouris et un autre parc spécialement aménagé pour eux par la sollicitude de la ville de Paris. Ainsi aura été allumé un foyer de culture française et humaine où trois milles étudiants venus de tous pays, pourvus de livres, de soleil et de plein air, rapprochés dans une émulation affectueuse et faisant honneur à la plus vielle université d'Europe, travailleront, de concert au perfectionnement harmonieux de leurs esprits et de leur corps, au progrès de la science et à  l'entente de leurs nations ».

 

Dans le cadre des initiatives généreuses, françaises et étrangères, dont parle le texte ci-dessus, et grâce à un mode de présence marocaine dans le monde, assurée malgré le protectorat ou grâce à lui, «une convention pour l'édification de la Maison du Maroc au sein du parc de la Cité Internationale Universitaire de Paris fut signée par le Gouvernement marocain le 4 juillet 1949. En octobre 1953, le pavillon du Maroc ouvrit ses portes aux étudiants». (http://www.ciup.fr/maroc.htm).

 

Aujourd'hui (2005), sous un autre mode d'existence marocaine dans le monde, plus d'un demi siècle après l'indépendance, les étudiant(e)s marocain(e)s, s'ils/elles l'ont jamais fait pleinement un jour, ne peuvent plus participer à cet espace académique  à la grecque ancienne où  «pourvus de livres, de soleil et de plein air, rapprochés dans une émulation affectueuse et faisant honneur à la plus vielle université d'Europe, travailleront, de concert au perfectionnement harmonieux de leurs esprits et de leur corps, au progrès de la science et à  l'entente [des] nations». Pour le faire il leur faudrait tout simplement, en plus d'un nouvel esprit industrieux, entrepreneur et pas nécessairement uniquement revendicatif et  militant dans tous les sens du terme, disposer d'une Maison du Maroc à porte ouverte, qui s'intègre pleinement, sur le plan gestionnaire, dans l'environnement du système de valeurs qui émane du texte de ce parchemin qui gît au fond de l'angle nord-est de la Fondation Deutsch de la Meurthe.

 

Or, depuis 07 novembre 2001, et suite à un débarquement d'étudiants SDF marocains dans les halls de cette maison le 3 septembre 2001 pour exiger un logement, auxquels s'est jointe, par solidarité, une partie des résidents de la maison pour appuyer leur refus d'évacuer l'établissement pour cause de travaux de rénovation déjà annoncés, le portail typiquement maure du n° 1, Boulevard Jourdan, aujourd'hui entièrement enseveli dans la forêt des échafaudages du chantier du tramway de Paris en cours de construction, a ses deux battants scellés jour et nuit, avec comme seule information un panneau de chantier à moitié caché par la tôle de clôture et où l'on ne peut lire que ceci "Travaux de rénovation de la Maison du Maroc. Maître d'œuvre: Maison du Maroc. Diagnostic et pré programme". Aucune autre précision.

Même le site du Réseau International des Anciens Résidents de la Cité Universitaire de Paris (http://www.allianceinternationale.org/41ci.htm) avoue n'en savoir rien: "Quelques maisons de la Cité se refont une beauté, signale-t-il: la Maison des étudiants canadiens, la résidence André de Gouveia et le pavillon Curie de la Fondation Deutsch de la Meurthe. Qu'en est-il de la Maison du Maroc qui est fermée depuis belles lurettes et dont les travaux semblent suspendus ?".

Le site de la maison lui-même (http://www.ciup.fr/maroc.htm) précise que "En application d'une décision Royale et suite à une étude-diagnostic ayant révélé de nombreux dysfonctionnements, le Conseil d'Administration de la Maison a ordonné la fermeture des locaux, le 21 septembre 2000. La vétusté des bâtiments et la conception architecturale initiale s'avéraient, en effet, inadaptées aux exigences de la création d'une structure d'accueil décente qui intègrerait les avantages des technologies d'information et de communication modernes et serait conforme aux normes d'hygiène et de sécurité en vigueur".

Un communiqué de la MAP datant de juillet 2002 précise à cet égard que «la procédure d’expulsion requise par la Cour d’appel de Paris, a été rendue effective ce mardi après l’arrêt prononcé par la 14e Chambre de la Cour d’appel, le 5 juillet dernier, considérant que l’Etat chérifien a fait donation en 1949 de cette maison à l’Université de Paris et que cette occupation illégale empêchait la cité internationale de développer l’esprit de compréhension, de solidarité et d’amitié internationale et de coordonner l’activité des différentes maisons, mandat général spécifié par la convention entre la cité et la chancellerie des Universités de Paris. (…) Une fois réhabilitée, conclut le communiqué, la Maison du Maroc accueillera, à sa réouverture, principalement des étudiants et chercheurs marocains, et s’ouvrira davantage à des étudiants d’autres nationalités, pour favoriser le rayonnement de la culture marocaine dans la cité de Paris. Ce brassage reflète l’esprit et l’éthique des fondateurs de la cité»  (http://www.tinghir.org/article.php3?id_article=448).

 

Fini donc en tout cas, depuis plusieurs années, ce mode de présence 'culturelle' et 'académique' marocaines à Paname des Lumières, par lequel une catégorie d'étudiants marocains «méprisés, réprimés, bafoués dans leurs droits au Maroc [et] qui ont fui la misère, le chômage, le désespoir, espérant trouver une meilleure vie en France» - selon les termes du diagnostic d'un communiqué émanant à l'époque de la Jeunesse des Démocrates Marocains à l'Etranger (http://www.jdme.ras.eu.org/pdf/1-10-2001.pdf) - s'acquittait de sa mission de rayonnement culturel et de travail "au progrès de la science et à l'entente des nations" dans une esprit "d'émulation affectueuse".

Cette génération avait en fait transformé la Maison du Maroc en une buvette populaire qui assurait à tout passant, en une sorte de compétition avec la Mosquée de Paris, un service permanant de thé marocain à la menthe. Un service qui tourne dans certaines occasions en un véritable commerce forain saisonnier : des groupes barbus ou imberbes, selon les vents idéologiques, débarquent et campent avec de gigantesques bouilloires, braséros portatifs et cartons de sucres et de menthes, pour alimenter certaines caisses noires, sur le fond cacophonique de tout un souk de foyers de discours misérabilistes où  l'esprit "d'émulation affectueuse" et de "travail au progrès de la science et à l'entente des nations" fait place à l'esprit du 'Hrig' et du ‘clandestinisme’ comme modes et perspectives de vie de l'étudiant.

Un étudiant qui promet pour chaque année prochaine la soutenance d'une 'thèse' pas comme les autres. Une thèse  sur "L'ethno-socio-culturalité micro-économique du Marocain à travers le lexique de la poésie érotique d'un auteur soufi anonyme du Moyen Age: approche multidimensionnelle et transdisciplinaire" !

Fini également le temps où le népotisme makhzénien chez les responsable administratifs, l'associativisme, le régionalisme, et le 'partisanat' de tout acabit parmi les 'comités de résidents', faisaient - en une connivence d'apparence conflictuelle - office de cadre gestionnaire de la présence marocaine dans cet espace magnifique de jeunesse savante, créé par des esprits de l'ordre d'André Honorat, Paul Appel, Deutsch de la Meurthe et autres. Une 'présence' dont l'espace avait fini par tourner en un gîte aux 'thésardataires'  à vie, qui finissent souvent par se déclarer exilés politiques  et en une auberge de personnes avancées en âge pour toute une classe de missionnaires de conditions moyennes: des quinquagénaires et plus, de différentes institutions marocaines, qui préfèrent faire l'économie de leurs perdiem ou de leurs allocations forfaitaires pendant la durée de leurs bourdonnements ‘scientifique’ et culturel à Paname dans le cadre des échanges ethno-socio-culturels, et ce afin de pouvoir passer, au terme de leurs séjours, non pas par la FNAC ou à Gilbert Jeune, mais par la Samaritaine ou juste par C&A, avant de rentrer chez eux, dans le bled, via les espaces 'Dutty free' des aéroports, pour procéder enfin de compte à l'ouverture solennelle des paquets en guise de justification d'absence et de rapport de mission.

 

Mais toutes ces tares maintenant éliminées, faute de combattants et/ou de champ de bataille, cela constituerait-il, à lui seul et en soi, l'idéal recherché? Et la présence marocaine de l'après cinquantenaire de l'Indépendance et à l'aube des horizons stratégiques de l'avenir, qu'en est-il aujourd'hui dans cet espace cosmopolite savant de la CIUP, qui a l'air actuellement de traverser une phase de grande mue sur le plan des échanges ethniques et de civilisation depuis la chute du Mur de Berlin, l'extension de l'Union Européenne et l'émergence en force de l'Asie d'Extrême Orient?

Qu'en est-il de cette présence marocaine à la CIUP dans une phase où les coordonnées de la présence culturelle française elle-même semblent être en cours de redéfinition par les Français eux-mêmes sur les latitudes et les longitudes du globe mondialisé ou du monde globalisé, i.e. au moment même de la célébration d'un autre cinquantenaire, celui de l'une des institutions de cette présence culturelle française dans le monde, à savoir le CROUS (Centres Régionaux des Œuvres Universitaires)? Une phase où la politique de présence française elle-même, tributaire qu'elle est jusqu'ici du lourd lègue des grandeurs coloniales sanctionnées dernièrement par la révolte des banlieues, la controverse sur "le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord" et par la relance du débat sur la loi de laïcité de 1905 comme aboutissement de l'affaire du fameux 'voile islamique', souffre d'archaïsme en fonctionnement et d'un coût fâcheusement élevé par rapport à une médiocrité de rendement. Une politique qui cherche, par conséquent, des repères de redéfinition afin de convaincre les partenaires, états, institutions et individus, que, tant que le future est encore un temps de conjugaison en français, l'avenir peut également s'écrire en français.

 

Physiquement, à part les locaux vides et fermés de la Maison du Maroc, qui n'inspirent plus que consternation et désolation, la présence marocaine dans cet espace, au lendemain du cinquantenaire de l'Indépendance est réduite depuis 2002-2003 à un ancien poste, paraît-il de service de garde à l'origine. Il se trouve à droite de l'entrée de la CIUP au niveau de la Maison d'Italie, sous forme d'un bloc de haute tension, qui fait misérablement, depuis cette date, office de siège de 'direction' de la pauvre Maison maure.

 

Sur le plan moral et symbolique, le misérabilisme du discours militant qui nourrissait chez les étudiants marocains un sentiment masochique d'être des gens «méprisés, réprimés, bafoués dans leurs droits au Maroc [et] qui ont fui la misère, le chômage, le désespoir, espérant trouver une meilleure vie en France», cède la place à un mutisme officiel, ponctué de temps en temps par un étalage en public de l'état d'indigence d'une nation à la porte de la Cité International Universitaire de Paris, comme par exemple cette note intitulée "Note aux candidats", affichée maintenant même (déc. 2005) sur la toute petite porte dudit misérable poste, et qui dit dans la résignation totale: «"Grâce au soutien d'autres maisons, l'opération d'admission des candidats marocains à la cité pendant la fermeture de la Maison du Maroc pour travaux de rénovation, va se poursuivre cette année 2005-2006 (…). Il est à rappeler que les admissions se feront dans les conditions administratives et financières des maisons d'accueil". La Direction.».

 

Sur le plan du paysage phisique toujour, les têtes noires, dont notamment certains 'thésardatairs' à vie, qui sont habitués à jouer la souris aux agents de sécurité du restau-U de la CIUP et qui, à cause de facteurs éducationnels, ne respectent la queue pour se servir que rarement, ne se font plus remarquer par leurs traits distinctifs de comportement dans cet espace où elle préféraient jadis se rendre en groupes pour de longues heures pour des raisons 'ethno-socio-culturelles' diverses.

C’est dorénavant un autre parterre ethnique et de civilisation de l'Europe de l'Est et d'Extrême Orient qui commence à remplacer les décors physionomiques africains, nord africains et du Moyen Orient, jadis prépondérants au restau-U de la Cité comme représentants des espaces où la Présence Française aimait répondre 'Présent'.

 

D'après le responsable du vestige de direction qui reste pour la Maison du Maroc, M. Hafid Hajji, qui eut l'amabilité de m'accueillir dans son 'bureau de camping' dans la matinée du 1er décembre 2005, le retard des travaux est dû à l'état de ravage et de destruction massive découvert après l'évacuation de la maison. Etat de ravage qui a entraîné une revue à la hausse des coûts estimés de la rénovation. Il affirme que le marché des travaux a déjà été lancé et que, si les dossiers de demandes de crédits aboutissent à temps, on espèrerait voir rouvrir la porte (pas nécessairement un portail à l'ancienne) de la Maison du Maroc vers la fin de 2006 après les 12 mois prévus de travaux de rénovation. Il promet qu'une fois la maison remise à l'état selon les normes modernes de sécurité, de communication et de fonctionnalité, les standards académiques de la CIUP pour ce qui est de l'admission des étudiants et des chercheurs seront de rigueur.

 

Espérons donc que, dans le cadre du grand projet actuel de rénovation et de réaménagement général de l'espace global de la CIUP engagé depuis plusieurs années dans le cadre d'une nouvell redéfinition en cours de la présence française dans le monde à travers cet espace, la réouverture de la Maison du Maroc soit au rendez-vous. Un rendez-vous de l'après Cinquantenaire de l'Indépendance sur de nouvelles bases. De nouvelles bases pour une nouvelle génération et avec un nouvel esprit de gestion et de consommation de services, afin que, de pair avec la Maison de Tunisie, toujours en service, et de la Maison de l'Algérie dont la CIUP vient précisément de lancer un concours international d'architecture (Citéculture n°13;  Sep.-Déc. 2005), le Maroc retrouve la place qui lui revient dans l'espace de la présence maghrébine dans le monde à travers le grand portail de CIU de Paris. En retrouvant la place qui lui convient, dans un esprit d’émulation assoiffée pour le savoir et le progrès de la science, la jeunesse universitaire marocaine contribuera cette fois-ci autrement. Elle contribuera à l'entente entre le Maroc et la France et les autres nations, non pas en commercialisant des bouilloires de thé à la menthe, mais en proposant des produits culturels et intellectuels de qualité dans le cadre et la continuité de la nouvelle dynamique que connaît le Maroc sur les plans des pluralités culturelles, politiques et régionales, des droits de l'Homme et de la promotion de la Femme.

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Mohamed Elmedlaoui

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13/10/2024
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