(En français) Echange entre deux collègue au sujet de la culture judéo-marocaine dans un Maroc pluriel
Echange entre deux collègues au sujet de la culture judéo-marocaine dans un Maroc pluriel
1- Elle (12 déc. 2021) en privé, sur un réseau social:
[[Bonjour Si Mxxxxx,
I have been trying to reach you for some months and I am glad to see that you are active here. I was worried you might be unwell when I didn’t hear back from you! I’m getting in touch regarding the program for the institute for Jewish learning on Moroccan Judaism that I am leading having taken over from our dear friend Jean z’l. I would be very grateful if you contributed with the Amazigh components of the course. Please do be in touch and we can coordinate who could come to film you.
All best and very warmly, amitiés, Vxxxxx]].
2- Lui (12 déc. 2021)
[[Bonjour, chère Vxxxxx.
Je te remercie d’avoir été inquiète pour moi. Je suis bien, à Dieu merci. Mon éclipse fut en réalité bien réfléchie. Ce n’est pas seulement envers ton courrier. Beaucoup de sollicitations continuent à affluer sur moi. Mon intérêt pour la culture judéo-marocaine et judéo-berbère ainsi qu’à la culture marocaine plurielle en général, remonte à une trentaine d’années. C'est-à-dire aux moments où les tabous faisaient foi et religion de rigueur. Mais, cet intérêt, je l’ai toujours décliné dans un registre académique, à part certains écrits journalistiques dans des moments de grandes folies collectives.
Mon premier grand texte académique sur les questions identitaires et de représentation chez les communautés juives marocaines en particulier (toutes sous-particularités ethnoculturelles confondues) fut publié en 1995 et republié quatre fois de suite, la dernière en 2012. Le second, sur deux grandes figures de cette culture enracinée dans l’histoire (Ibn Quraïch et Assamaw’al) remonte à la fin décembre 1999 où il fut présenté tout près de la ville sainte où j’ai fêté le Millenium par une pure coïncidences des circonstances. Même sur ce registre académique, je ne me sers pas des langues de rédaction comme autant d’écrans pour tenir un plus ou moins double langage afin de plaire peu ou prou, ou de ne pas trop fâcher une partie ou une autre. Au contraire, je choisis à chaque fois une langue parmi celles qui sont plus ou moins comprises au Maroc et partout là où il y a des communautés marocaines ou d’origine marocaine pour interpeler ce qui me semble être une carence en connaissance, une fausse représentation profane nourrie par un discours de désinformation ou un excès de zèle dans les rangs d’une partie et/ou d’une autre. Mon fond background en tout cela, une expérience vécue et faite par la suite objet de réflexion et d’étude grâce à un savoir académique et des moyens linguistiques d’y accéder, laborieusement acquis hors de tout cadre institutionnel ou organisationnel. Ceci n’a pourtant jamais empêché ni d’être à l’écoute de toutes les parties sérieuses ni de répondre positivement à tout appel à contribution académique sur un sujet qui relève de mes compétences. Je fait partie en cela de toute une génération d’une poignée d’individus aux profils et cheminements différents mais tous marqués par l’effort autodidacte, qui ont largement contribué, dans des conditions de banc de leur société, à faire évoluer les mentalités.
Impossible de mesurer le degré d’aventure hasardeuse et solitaire qu’un tel chemin représentait, si l’on ne peut plus – sous le poids du flux d’actualité de la conjoncture actuelle – se rappeler à la mémoire l’atmosphère délétère générale du début des quatre dernières decennies, où je me suis attelé aux questions signalées. Sans parler des différentes classifications faciles et de taxations stéréotypées de parts et d’autres selon les convictions dogmatiques, avec tout ce que cela représente aussi bien sur le plan professionnel de la carrière académique (comme par exemple le fait de faire capoter en dernière minute le travail intense d’un an sur la préparation d’un colloque international sur le Malhun judéo-marocain il y juste trois ans) que sur le plan purement social, c’est une menace de mort formelle qui fut, à deux reprises, reçue par téléphone de la part de quelqu’un qui se présenta comme "représentant" à la capitale de mon pays, d’une organisation/autorité. C’était 2010 alors que je m’apprêtais à faire le voyage pour le grand colloque sur l’immigration tenu à Essaouira et dont j’étais membre du comité d’organisation. Une plainte contre-X fut déposée auprès du procureur le jour même du premier coup de téléphone et la question a fait l’objet par la suite d’une longue écoute/interrogatoire de la part de la police sur demande du procureur.
Même si ce n’est pas négligeable en soi, ce n’est donc pas le genre de ce dont je viens de donner un spécimen qui m’empêche ces derniers temps d’interagir avec beaucoup de parties dont certaines vraiment sérieuses d’après mon expérience avec elles. C’est juste un besoin ressenti de ma part de prendre un peu de temps de recul par rapport à ce qui me semble être soudain noyée dans un vacarme de folklorisassions.
En fait, aujourd’hui, de très belles choses ont été accomplies aux plus hauts lieux. Mais ces belles choses ont été aussitôt, et au fur et à mesure, noyées, à travers le foisonnement soudain d’événementiels, de forums, de webinaires, et de toutes sorte d’entités qui pullulent, dans un gigantesque vacarme d’action enthousiaste de COM, un vacarme encore beaucoup plus marqué qu’à la suite des changements géopolitiques de 1994. Une dérive, à mon avis en matière de sérieux et de sérénité, qui risque fort bien d’être fatalement contreproductive dans la longue durée pour ne pas dire à moyen terme; et l’histoire a des précédents dans ce sens. Tout, dans cette manière de l’évolution des choses, a l’air d’indiquer que même les milieux les plus sérieux ont subitement cédé à la tentation de cette course effrénée à de la communication et de l’’annimation enthousiaste dans un mécanisme qui s’autoalimente et s’auto-reproduit en se renforçant.
Très amicalement. Mxxxxxx]]
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