(En Français) Declarer l'éducation comme secteur stratégique souverain?
Déclarer l’éducation comme secteur stratégique souverain?
Mohamed Elmedlaoui
(Publié en sept. 2013 in Quid.ma)
Le discours alarmant sur les problèmes de l’éducation au Maroc ne date pas d’aujourd’hui dans le domaine public et académique (v. textes en arabe). Pourtant, ce n’est que le diagnostic sans compromis du récent discours royal du 20 août 2013, qui a mis le doigt pour la première fois sur l’une des sources de la maladie chronique de ce secteur et des secteurs connectés (la formation et la recherche). Le souverain précise notamment dans ce discours:
[En effet, il n'est pas raisonnable que tous les cinq ans, chaque nouveau gouvernement arrive avec un nouveau plan, faisant l'impasse sur les plans antérieurs, alors qu'il ne pourra pas exécuter le sien intégralement, au vu de la courte durée de son mandat. Par conséquent, le secteur de l'éducation ne doit pas être enserré dans un cadre politique stricto sensu, pas plus que sa gestion ne doit être l'objet de surenchères ou de rivalités politiciennes] (v. texte intégral).
C’est un diagnostic concis et concret qui circonscrit l’un des aspects les plus fortement générateurs de disfonctionnement et d’incohérence dans le secteur de l’éducation, de la formation et de la recherche, non pas seulement au niveau de la gestion, mais également dans son rapport avec les instances de bonne gouvernance (anciennes ou à venir) qui portent sur lui, soit directement (Conseil Supérieur de l'Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique, Conseil National des Langues et de la Culture Marocaine), soit indirectement (Conseil Economique, Social et Environnemental).
Et du moment où tout le monde affiche aujourd’hui son adhésion à ce diagnostic, comme le traduisent les différents commentaires et déclarations de circonstance comme à l’accoutumé, et puisque le point de départ pour dénouer un nœud est d’en connaître le mode et le circuit de nouement, qu’est ce qui empêche alors la pensée politique et constitutionnelle marocaine d’imaginer, de concevoir et de mettre au point et sur pied un plan dont le mécanisme serait à même de soustraire ce secteur stratégique vital ainsi que les instances de bonne gouvernance qui portent sur lui, aux aléas des exploitations idéologiques et/ou politicienne de conjoncture ?
Le Maroc est bien engagé dans la voix de faire évoluer ses cadres institutionnels d’une façon qui cherche à concilier ambitions et idéaux lointains d’une part, et un rationnel à base de réalisme d’autre part. Il n’y a pas encore longtemps, une entente politique tacite faisait place, parmi les départements de l’exécutif, à ce qui était communément connu sous l’appellation de "ministères de souveraineté". Dans le cadre de ladite évolution des institutions à la lumière dudit rationnel basé sur les exigences des nouvelles réalités, la plupart de ces départements (la Justice et les Affaires Etrangères notamment) sont entrés graduellement aujourd’hui dans la sphère de ce qu’on appelle "alternance". Dans la même direction de l’évolution institutionnelle - dans son sens dialectique et non dogmatique, unidimensionnel et unidirectionnel - qu’est ce qui empêche toutes les parties qui affichent et claironnent aujourd’hui leur adhésion au diagnostic du discours royal, de convenir d’une façon consensuelle pour déclarer le secteur de l’éducation, ainsi que toutes les instances de bonne gouvernance, comme secteurs stratégiques souverains, qui doivent être soustraits aux aléas de toute "alternance" voulue pour soi et basée sur le seul mécanisme électoraliste, où les intérêts partisans et conjoncturels l’emportent toujours sur les considérations d’intérêts stratégiques communs de la nation dans son ensemble?
Pour les même raisons qui se laissent entrevoir en filigrane dans le discours royal, la problématique de la bonne gouvernance dans la gestion du secteur de l’éducation est étroitement liée aux critères de dotation en ressources humaines des instances de bonne gouvernance portant sur ce secteur. D’ailleurs la pensée constitutionnelle moderne tend à ériger les instances de bonne gouvernance en général, en un véritable quatrième pouvoir qui, de par ses prérogatives consultatives, évaluatives et de suggestion, participe aussi bien à l’équilibre des pouvoirs qu’à la cohésion de leurs actions à la lumière des idéaux et objectifs que la Constitution et les chartes nationales se fixent comme finalités. Pour remplir cette fonction multidimensionnelle, la dotation en ressources humaines de ces instances doit être soustraite au fameux critère dogmatique de représentativité des sensibilités politiques et/ou de corps socioprofessionnels et associatifs (v. textes en arabe), pour lesquelles la Constitution prévoit les espaces du législatif et de l’exécutif comme lieux de se faire représenter pour y peser, au lieu de transformer les instances de bonne gouvernance en de simples boîtes de résonnance redondantes reproduisant les voix discordantes de l’espace public, avec blocages et inefficacités comme résultats. (v. version arabe plus élargie sur OrBinah).
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