(En arabe avec traductions française et hébraïque) Le poème "Mon ami juif" du poète marocain Mohamed Sektaoui (décédé le 4 janvier 2025)"
رحم الله الشاعر الفقيد، محمد السكتاوي
MON AMI JUIF
Un des derniers poèmes de feu le poète marocain, Mohamed Sektaoui (décédé ce samedi 4 janvier 2025). Texte original en arabe avec une traduction préliminaire en français faite par Mohamed Elmedlaoui (4 janvier 2025)
قصيدة "صديقي اليهودي" للشاعر الراحل والحقوقي المغربي، محمد السكتاوي (توفي صباح يومه السبت 4 يناير 2025). النص العربي مع ترجمة أولية إلى الفرنسية (على يد محمد المدلاوي: 4 يناير 2025) في انتظار ترجمات أخرى
صديقي اليهودي
في حيّنا القديم،
كان جارُنا اليهودي
إسكافا يرمم نعالَنا.
وكانت أمي تبيع خبز النساء
في السوق البلدي؛
وفي المساء، تحمل إلى البيت
خبزَ بولو- الإسباني؛
نتناوله بتلذّذ مثل كعكة
مع فنجان شاي
أشياء كثيرة أحبَبناها
ولم تكن صورُها المختلفة تثير انتباهنا.
مدارسنا لم تكن واحدة.
حينما بدق الجرس،
كنا نخرج صاخبين إلى الشوارع؛
نتخاصم، نتصالح، نقصف ضاحكين
بعضنا البعض بطائرات من ورق،
ونفترق مردّدين أناشيد
توحّدُنا وتجمعنا
في فواجع الموت،
كنا نسير خاشعين في مواكب الجنائز؛
أحيانا نردّد لا إله إلا الله،
يتقدمنا مَحمل من خشب؛
وأحيانا أخرى
نسير صامتين وراء سيارة سوداء،
ورجل وقور يحمل صليبا؛
وننسى في الغد كل شيء
سوى صوت الحفر
ورائحة الأعشاب والتراب المبلل.
ولا نسأل لماذا نسكن في حي واحد،
وندفن موتانا في مقابر متفرقة.
لم نسأل يوما
لماذا تختلف صلواتنا
خضوعاً وحركاتٍ وتمتمات؛
ولما نرفع أيدينا إلى السماء،
نختم جميعا دعاءنا: آمين.
هكذا عشنا حياة هادئة
تجري مثل نهر صغير
في مدينة بيوتها متداخلة الألوان
كقطعة فسيفساء.
فجأة انهار عالمنا البسيط
حين أخبرني صديقي اليهودي
أنّه سيهاجر إلى مكان بعيد
في جهة الشرق لا يعرفه.
قبّلني وبكى
وتمتم كأيّ مؤمن يسبح في صلاة:
هل كلمة آمــيــــن عبريّة في القرآن؟
قلت محتارا: لا أدري
وأخفيت وجهي
حتى لا يُحسّ بوجعي.
وأضفت مستدركا: ربما لا،
لكن سمعتُ راهبا
يردّدها في ترانيم ربيّة.
شعرت أن خطرا ما قادم:
امرأة تنادي بإلحاح:
أسرع، ستنطلق الحافلة !
نظر إلي طويلا وأعطاني حذاءهK
ومضى حافيا.
عدت أبحث عن جارنا الإسكافي؛
وجدت دكانه موصدا.
المكان مستغرق في صمت كئيب؛
وحده صمت مذياع الجيران
كان يلعلع وسط الزقاق؛
يتحدث عن هجرة وحرب وموت.
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ترجمة أولية إلى الفرنسية، في انتظار ترجمات أخرى
MON AMI JUIF
Un des derniers poèmes de feu le poète marocain, Mohamed Sektaoui (décédé ce samedi 4 janvier 2025). Texte original en arabe avec une traduction préliminaire en français faite par Mohamed Elmedlaoui (4 janvier 2025)
Dans notre vieux quartier,
Notre voisin juif était cordonnier.
Ma mère vendait du pain de maison
Au souk maure.
Le soir, elle apportait du pain bolo espagnol ;
Nous en dégustions comme friandise
En l’accompagnant de verres de thé.
Tant de choses que nous avons aimées
Sans nous rendre compte des différences de formes.
Nos écoles n’étaient pas les mêmes.
Quand sonne la cloche,
Nous sortions en jacassant dans les rues
On se disputait, on se réconciliait et on s’attaquait
Les uns les autres aux coups d’avions en papier en rigolant.
Nous nous séparions en chantant des chants
Qui nous étaient communs à tous.
Quand la mort frappe,
Nous marchions dans le convoi mortuaire.
Parfois, on répétait "Laylaha illa Allah"
Derrière un cercueil en bois ;
Et parfois,
On marchait en silence derrière une voiture noire,
Un homme digne portant une croix ;
Le lendemain, on oublie tout
Sauf les coups de pioche
Et les odeurs d’herbes et de terre mouillée.
On ne se demandait pas pourquoi on habite le même quartier
Alors qu’on enterrait nos morts dans des cimetières différents.
On ne s’est jamais demander pourquoi nos prières sont différentes
En prosternations, gestes et murmures,
Alors que lorsque nous levons les bras vers le Ciel,
Nous concluons tous nos prières par le vocable : Amen.
C’était ainsi que nous avons mené une vie paisible.
Elle s’écoulait comme une petit ruisseau
Au milieu d’une ville où interfèrent des couleurs
Comme dans une pièce de mosaïque.
Tout d’un coup, notre petit monde serein s’écroula
Lorsque mon ami juif me fit la confidence qu’il allait quitter les lieux vers un lieu lointain
Dans le Levant, qu’il ne connaissait pas.
Il m’embrassa et se mit à pleurer.
Il marmonna comme un dévot dans sa prière :
Est-ce que le vocable "Amen" est en hébreu dans le Coran ?
Confus, je répondis : "Je ne sais pas"
Et j’ai détourné mon visage
Afin qu’il ne s’aperçoive pas de mon affliction ;
J’ai rajouté en notant : peut-être que pas,
Mais j’ai entendu un rabbin le répéter dans ses supplications.
J’ai aussitôt ressenti un cataclysme qui pointait
Une femme appelait mon ami en criant avec insistance :
Viens vite ! l’autocar va démarrer.
Il fixa son regard sur moi longtemps, me confia ses chaussures
Et s’en alla pieds nus.
Revenu voir notre voisin, le cordonnier,
J’ai trouvé sa boutique fermée.
Les lieux sombraient dans une désolation de silence,
Si ce n’est la voix la radio des voisins
Qui perçait le silence de la ruelle
En parlant de migration, de guerre et de la mort.
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חברי היהודי
אחד השירים האחרונים בערבית של המשורר המרוקאי, מוחמד סקטאוי שמת אתמול בבוקר (שבת 4 בינואר 2025).
תורגם לעברית על ידי מוחמד אלמדלאוי (4 בינואר 2025)
בשכונה הישנה שלנו,
השכן היהודי שלנו היה סנדלר.
אמא שלי מכרה לחם תוצרת בית
בשוק המורי.
בערב הביאה לחם בולו ספרדי;
היינו אוכלים את זה בתור פינוק,
מלווים אותו בכוסות תה.
כל כך הרבה דברים אהבנו
בלי לשים לב להבדלים בצורה.
בתי הספר שלנו לא היו זהים;
כשהפעמון מצלצל,
יצאנו לקשקש ברחובות;
התווכחנו, השלמנו ותקפנו אחד את השני
מכים זה את זה במטוסי נייר תוך כדי צחוק.
והיינו נפרדים שרים שירים
שהיו משותפים לכולנו.
כשהמוות מכה,
היינו הולכים מאחורי הלוויות.
לפעמים חזרנו על "לאילאה איללאה אללאה"
מאחורי ארון קבורה מעץ;
ולפעמים,
הלכנו בדממה מאחורי מכונית שחורה,
אדם ראוי נושא צלב.
למחרת, אנחנו שוכחים הכל
חוץ ממכות המכושים
וריחות של עשב ואדמה רטובה.
לא תהינו למה אנחנו גרים באותה שכונה
בזמן שקברנו את מתינו בבתי קברות שונים.
מעולם לא שאלנו את עצמנו מדוע התפילות שלנו שונות
עם השתטחות, מחוות ומלמולים,
בעוד שכאשר אנו מרימים את זרועותינו לעבר גן עדן,
כולנו מסיימים את תפילתנו במילה: אמן.
כך ניהלנו חיים שלווים.
זה זרם כמו נחל קטן
באמצע עיר שבה הצבעים משתלבים
כמו ביצירת פסיפס.
לפתע, עולמנו הקטן והשלו קרס
כשחברי היהודי הודה לי שהוא עומד לעזוב את המקום למקום מרוחק
בלבנט, מקום שלא הכיר.
הוא נישק אותי והתחיל לבכות.
הוא מלמל כמו חסיד בתפילה:
האם המילה "אמן" בעברית בקוראן?
מבולבל, עניתי, "אני לא יודע."
והפכתי את פניי
כדי שלא יבחין בצערי;
הוספתי על ידי ציון: אולי לא,
אבל שמעתי רב חוזר על כך בתחינותיו
מיד הרגשתי אסון שמתקרב:
אישה התקשרה לחבר שלי וצעקה בעקשנות:
בוא מהר! האוטובוס יתחיל.
הוא נעץ בי את מבטו לרגע ארוך, נתן לי את נעליו
וברח יחף.
חזרתי לראות את השכן שלנו, הסנדלר,
מצאתי את החנות שלו סגורה.
המקום שקע בשממה של דממה,
אם לא הקול של הרדיו של השכנים
אשר פילח את דממת הסמטה
מדברים על הגירה, מלחמה ומוות.
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Un échange email
Avec mon collègue et ami, Prof. Joseph Tedghi (Inalco) le 06 janv. 2025, à propos d’un couplet du poème ci-dessus de feu Mohamed Sektaoui
J. Thedghi
[[ …Je suis vraiment navré d'apprendre la disparition du poète Mohamed Sektaoui, Rahimahu Allah! Et je vous remercie vivement pour le transfert de ce remarquable poème si touchant.
Je me permets néanmoins d'attirer votre attention sur la troisième strophe ; le poète écrit :
نسير صامتين وراء سيارة سوداء،
ورجل وقور يحمل صليبا؛
Si j'ai bien compris, l'auteur met en parallèle dans ce couplet, un enterrement musulman et un enterrement juif ? Or il évoque "un dignitaire muni d'une croix". Ne s'agirait-il pas plutôt d'un enterrement chrétien ?
M. Sektaoui ayant passé son enfance à Ksar el-Kébir, cela ne serait pas étonnant. Il y avait également, je suppose, dans cette ville – alors sous protectorat espagnol – une population chrétienne …]].
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Mohamed Elmedlaoui/ :
[[Je vous remercie beaucoup, cher ami, et vous souhaite un joyeux nouvel an 2025.
Vous avez raison ; il est bien évident que c’est d’un convoi mortuaire chrétien que parle le couplet. Le poème dans sa globalité me donne l’impression d’être une mini-fiction poétique basée sur des fragments de mémoire d’enfance des années 50-60 passées. A cette époque, les convois mortuaires et les enterrements dans les cimetières étaient strictement communautaristes parmi les Musulmans et le Juifs, à la différence du cas des Chrétiens.
Les choses ont changé aujourd’hui. J’ai l’habitude de n’assister que très rarement aux funérailles et aux enterrements. Pourtant, à l’annonce du décès de notre regretté, Simon Lévi, nous étions, ma femme, ma fille et moi-même à l’hôtel Renaissance de Marrakech à l’occasion d’un évènement au Musée Yves Saint Laurent (2 déc. 2011) auquel j’étais invité. J’ai immédiatement laissé ma femme et ma fille à l’hôtel pour prendre le train pour Casablanca. Ça a été un enterrement grandiose et émouvant. Fraichement désigné chef de gouvernement (29 nov. 2011. i.e. 3 jrs à peine) à la suite des élections remportées par les Islamiste au Maroc, et avant même d’entamer les discussions pour constituer son gouvernement, Abdelilah Benkirane SG du parti islamiste PJD, accourut au cimetière juif de Benmsik. Il a tenu à percer la foule pour aller s’incliner devant la veuve de Simon Lévy et lui présenter ses condoléances avant de partir en catastrophe. La même chose, un an auparavant (15 nov. 2010) suite au départ de notre autre ami, Edmond Amran El-Maleh. Après une grande cérémonie au Beth Hayim de Rabat, c’est un avion affrété par SM le Roi M-6 qui a transporté une centaine de personnalités pour accompagner le cercueil à Essaouira exhaussant ainsi le vœu du défunt. Pendant que le poète et écrivain Hassan Najmi (ex-président du l’Union des Ecrivains Marocain : 1998-2005) prononçait son allocution funèbre au moment de la décente du cercueil dans la terre humide, une crise de larmes s’est emparée de moi, malgré le fait que je n’aime pas pleurnicher, curieusement comme cela était le cas de cet ami de "son ami juif" dans le poème de feu Sektaoui. Feu Edmond Amran El-Maleh habitait rue Bin Elouidan à Rabat, pas loin de chez-moi et j’avais l’habitude de lui rendre visite chez-lui pour discuter autour d’une théière de thé.]]
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محمد المدلاوي
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