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Hommage à Mohamed Khair-Eddine (Timitar - Agadir 30 juin - 1ier juillet 2008)

   

L’œuvre de Mohamed Khair-Eddine :

Forme et contenu ; exil, spécificité et universalité

(Agadir, 30 juin - 1ière juillet 2008)

Comme pour tous les créateurs hors du commun, qualificatifs et surnoms abondent au sujet du poète et romancier, Mohamed Khair-eddine, «écrivain fondamental qui a intégré dans son œuvre les mythes fondateurs de la culture marocaine», enfant terrible, écrivain iconoclaste, écrivain de l’exil, exilé de l’écriture, poète visionnaire, anarchiste bon vivant, rêveur errant, philosophe de l’oralité, etc.

 

En fait, et pour schématiser les idées, l’originalité de Khair-Eddine semble tenir du culte du paradoxe, cette propriété formidable de l’intellect qui fascine tout esprit libre et parfait qui cherche à embrasser la réalité du monde dans sa complexité multidimensionnelle, que cela soit sur le plan de la nature, de l’Homme, de la société ou du pur intellect (mathématique et logique).

 

En tant qu’écrivain créateur, Khair-Eddine appartient à cette lignée d’artistes passeurs de ponts et de passerelles entre des entités et des espaces dont les antinomies font - pour la logique du commun des mortels - qu’ils ne peuvent entretenir qu’un rapport d’exclusion et d’excommunication. Que cela soit sur le plan linguistique (lexique, syntaxe et sémantique), des types de discours et de genres littéraires (poésie, prose, narration, essai), des éléments de narration (voix, espace, temps, etc.), de l’éthico social (valeurs du bien et du mal) ou de l’ethno culturel (identité, altérité, spécificité, universalité), Khair-Eddine a, en fait, horreur du train-train monotone des platitudes rassurantes des zones centrales aux sentiers battus. Seuls les confins tampon mouvants, risqués, polyvalents, voir ambigus d’entre mondes antinomiques, l’intéressent vraiment en tant qu’arènes pour son aventure d’écrivain.

 

Son aventure consiste en ce que, à chaque zone tampon, entre deux monde antinomiques, il réussisse à élaborer des anamorphismes vertigineux où la réalité de chacun des deux mondes est présentée sans fard plastique ou éthique, sans euphémisme linguistique, mais projetée à travers un prisme philosophique et artistique qui, mutatis mutandis, en donne un tableau hallucinogène à la Goethe, à la Camus, à la Francis Bacon, à la Salvador Dali, à la Picasso, à la Stravinsky, voir à l’Ezekiel ou autres, selon le cru du thème et la cuvée du moment et des circonstances. «Il y a chez lui une vision du Maroc qui montre de façon hallucinante les contradictions, les déchirements, le côté tragique du pays, nom pas sous une forme organisée  mais sous une forme poétique» (E. A. El Maleh 2005 : 59). (1)

 

Pourtant, si les procédés de construction de la fiction de Khair-Eddine se recoupent avec ceux de la catégorie des créateurs cités, les espaces ethnico sociaux et socioculturels où évolue la majorité des épisodes de sa fiction, le rattachent plutôt à la lignée d’un Al-Mohktar Al-Soussi ou de tous ces ascètes de ces espaces semi bibliques du Sous et des confins du Sahara; et c’est là l’un des grands aspects de l’originalité de Khair-Eddine : pour exprimer de grandes idées éthiques, philosophiques et/ou esthétiques d’un grand érudit de culture universelle «qui a lu les classiques et qui fait son pain quotidien de la lecture des livres scientifique», Khair-Eddine n’avait nullement besoin de se servir ni des voix des déités de l’Olympe, ni de celle du diable à la Faust, ni de celles des grands personnages de l’histoire universelle à la Caligula ; un tronc d’arganier séculaire ancré dans le roc, un reptile assoiffé des zones arides du pays ou une campagnarde inculte qui se mouche le nez du pan de son haïk sont capables de traduire sa pensée philosophant sur l’être et le paraître, sur le logos et le praxis, sur les couleurs des mots et sur la cacophonie de l’existence.

 

Selon El Maleh (ibid.), Kahair-Eddine «est le seul écrivain [marocain] à élaborer un discours d’une violence radicale qu’aucun écrivain marocain n’a élaboré comme lui». Mais «sa situation comme grand écrivain est ambiguë: d’une part, les travaux thèses, colloques permettent de dire qu’il n’est pas oublié, mais on sent une réticence », une double trahison de son vivant et à titre posthume et un triple exil en quelque sorte : sur le plan du pays, de la langue maternelle et de la reconnaissance intellectuelle. Cette œuvre reste donc à revisiter et à faire connaître davantage, aussi bien à travers de bonnes éditions qui soient à la hauteur de la qualité du produit, de bonnes traductions dans les langues nationales notamment, une meilleure diffusion et une mise en valeur académique méthodique dans les curricula, qu’à travers une ré-exploration scientifique qui soit à la hauteur également sur les plans de toutes les disciplines consternées (poétique, sémiotique, esthétique, etc.).

 

La rencontre qu’organise l’Association Timitar en hommage à Mohamed Khair-Eddine, en partenariat avec le Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger dans le cadre de la 5e édition du Festival Timitar (01-06 juillet 2008), s’inscrit dans cette perspective. Les participant(e)s, une dizaine de spécialiste du Maroc et de l’étranger, sont invité(e)s dans ce sens, à développer les différents aspects qui font l’originalité de l’œuvre de Khair-Eddine dans son contexte historique local, national, universel.

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(1)  Redonnet, Marie (2005) Entretiens avec Edmond Amran El Maleh. Publication de la Fondation Edmond Amran El Maleh. Editions La pensée sauvage.

 

Mohamed Elmedlaoui (Institut Universitaire de la Recherche Scientifique, Rabat)Directeur scientifique de la rencontre

Tel. 212(0)70 057 317

Email  <elmedlaoui@yahoo.fr>

 



24/03/2008
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