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Le vernaculaire égyptien du Caire comme langue de radiodiffusion au Maroc!

Le vernaculaire cairote comme langue de radiodiffusion au Maroc!

 

 

 

I- Rappel de certaines dispositions juridiques pertinentes 

Loi n° 77-03 sur la communication audiovisuelle, promulguée par le Dahir n ° 1-04-257 du 7 Janvier 2005, vise notamment :

 

1-  Le soutien et le développement de la production nationale audiovisuelle et le recours en priorité aux ressources et aux compétences nationales ;

2La préservation du patrimoine culturel de la Nation dans sa richesse et sa diversité, à travers la promotion de la créativité artistique, scientifique et technologique et la garantie de son rayonnement.

 

Selon la même loi, les opérateurs de communication audiovisuelle doivent:

3-  promouvoir la création artistique marocaine et encourager la production de proximité ;

4-  donner, dans la composition de leur offre de programmes, la préférence à la production audiovisuelle nationale ;

5faire appel au maximum aux ressources marocaines pour la création d'œuvres audiovisuelles et la présentation de leur programmation à moins qu'une telle pratique ne s'avère difficilement réalisable en raison de la nature du service, notamment son contenu ou format spécialisé ou l'utilisation qui y est faite d'autres langues ;

Cette loi avance également la définition et le principe général suivants :

6-  La production audiovisuelle nationale: «Toute production audiovisuelle émise en arabe, en amazigh, en dialectes marocains ou, le cas échéant, en tout autre langue dont le contenu est à fort enracinement marocain, et dont la personne morale qui prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation est installée au Maroc et a recours à des compétences majoritairement nationales».

7-  Le spectre des fréquences radioélectriques fait partie du domaine public de l'Etat.

 

D’autre part, le dahir n° 1-02-212 du 31 août 2002 portant création de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle, stipule, notamment, que cette instance

8-  veille au respect, par tous les pouvoirs ou organes concernés, des lois et règlements applicables à la communication audiovisuelle;

11-   contrôle le respect, par les organismes de communication audiovisuelle, du contenu des cahiers de charges et, de manière générale, le respect, par lesdits organismes, des principes et règles applicables au secteur;

16-   sanctionne les infractions commises par les organismes de communication audiovisuelle ou, propose aux autorités compétentes, conformément à la législation en vigueur et aux cahiers de charges concernés, les sanctions encourues ;

 

II Un spécimen de faits dans le secteur

Malgré toutes les dispositions juridiques ci-dessus, certaines radios privées marocaines semblent pourtant opérer hors du domaine public de l’Etat (disposition-7 ci-dessus) en se sentant libres d’innover en s’adressant par exemple aux Marocains en un dialecte qui n’est pas national à notre connaissance, le dialecte cairote en l’occurrence. En fait, à l’instar des herragas ("migrants clandestins"), beaucoup de nos artistes ou de nos journalistes nous ont habitués depuis des décennies à "brûler" tous les symboles qu’ils/elles soupçonnent trahir leur identité marocane, et ce dès qu’ils/elles débarquent dans un pays du Moyen Orient. Cela commence par le fait de gommer son propre accent linguistique et mimer l’accent du pays hôte (qu’il soit du Nil, du Cham ou du Golf) et peut même aller jusqu’à modifier la morphosyntaxe du nom/prénom pour qu’elle rime avec celle (ex. Samira Bensaïd qui devient Samira Saïd). Cela ne s’explique pas seulement par le poids des contraintes objectives d’un corporatisme socioprofessionnel très fort et appuyé par une réglementation juridique ultra-protectionniste dans certains pays comme l’Egypte. Sa genèse profonde tient d’une culture d’(auto)minoration et de propension à l’auto-acculturation, psycho-socialement intériorisées parce que transmises par les référents de l’éducation de génération en génération. Une fois de retour, ces faux ambassadeurs de la culture se convertissent, dans leurs secteurs respectifs, en missionnaires de raffinement culturel et en diffuseurs de maniérismes acquis (maniérisme de modes musicaux et de chant, maniérisme lexical ou de prononciation dans les média audiovisuels).

Jusqu’il y a deux ans, cette diffusion volontariste de maniérisme oriental a demeuré pourtant l’apanage d’individualités, en fonction du degré de fragilité morale des personnalités des particuliers. Ce qui est nouveau, ces deux dernières années, depuis le déferlement massif des valeurs et spécificités culturelles orientales sur le Maghreb en général à partir de la deuxième moitié du 20e siècle, c’est qu’aujourd’hui, cette propension à l’acculturation se s’institutionnalise en entreprise systématique dans le domaine public. C’est le cas notamment, par exemple, avec certains programmes que produit et anime un jeune speaker égyptien dit Khalil Gamal, dans une radio privée marocaine, et notamment son programme interactif quotidien toujours en cours, intitulé SaHH walla ghalaT (صَــحّ وَلا غَـلـَـط) "vrai ou faux? Il n’y a aucun inconvénient à faire appel à des compétences étrangères dans le cadre des dispositions 1-6 ci-dessus; au contraire cela va droit dans le sens d’une libéralisation du secteur et d’une promotion de l’esprit de créativité et de compétitivité basée essentiellement sur le mérite professionnel. Le problème réside en ce que ledit programme "vrai ou faux" pris comme exemple, et qui ne traite que de sujets de palabre d’opinion au quotidien (amitié, fidélité, rapport homme femme, etc.) sous forme d’un échange en directe sur antenne entre l’animateur égyptien et son auditoire marocain, se passe, du côté de cette animateur très loquace et ostentatoirement fier de son accent, en un vernaculaire cairote des plus "ronce", celui dont nous a habitués l’ancienne vague de télé-feuilletons classiques égyptiens des années 70s du 20e siècles (tab, da kalam kwayyes ‘awi; bass ‘ana za3lan 3ashaanek di-lwa’ti; u-bardo kamaan ‘ana lessa mush zaakir eeh elli nta kente 3aayez te'uulu: keda, walla keeda, walla mush keeda, etc. Ecouter un spécimen du programme Ici).

Les langues officielles au Maroc et leurs variantes d’usage quotidien, ainsi que les langues étrangères d’utilités fonctionnelles diverses, sont pourtant bien définies par la Constitution. Qu’est ce qui, à la lumière des dispositions 5-6 ci-dessus, justifie donc ce recours au vernaculaire cairote pour causer sur antenne, avec un jeune public marocain à identité culturelle fragile, sur des sujets de palabre quotidienne? Est-ce que cela est "vrai ou faux", pour emprunter l’intituler du même programme? Autrement dit, en termes juridique : est-il légal ou illégal? En vertu de la loi, c’est à la HACA de juger et de statuer. 

D’autre part, pourquoi le fait d’introduire le vernaculaire égyptien comme moyen de communication nationale de masse passe inaperçu, alors qu’une simple colloque académique qui évoque une éventuelle reconnaissance d’un rôle pédagogique facilitateur à l’arabe marocain à l’école avait provoqué il y a quelques mois toute une scène de ménage à l’échelle nationale où journalistes et philosophes avaient, à l’unisson, crié au scandale (voir Ici)? Ici, nous répondons nous mêmes: ce n’est là que l’une des manifestations collectives diverses de ce qui est appelé plus haut "une culture d’(auto)minoration et de propension à l’auto-acculturation, psycho-socialement intériorisées parce que transmises par les référents de l’éducation de génération en génération".



10/05/2014
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